Aujourd'hui, je suis reine☾ autrefois j'étais libre
Messages : 276 Date d'inscription : 01/07/2012 Age : 34 Localisation : Entre Paris et Poitier, cherchez bien, vous me trouverez surement
Feuille de route Mon coeur est: habité des vers d'un merveilleux poète Je suis né à: Poitier A savoir sur ma personne:
Sujet: Yesterday is history, tomorrow is mystery Lun 12 Aoû - 19:52
Aliénor d'Aquitaine a dit:
Aliénor faisait les cent pas dans ses appartements. Intérieurement, elle fulminait, et pour que personne ne le voit, elle avait congédié toute sa suite, qui l'avait difficilement comprit. C'était l'heure à laquelle la reine et ses dames brodaient après tout, une heure sacrée ! Mais les dames de la suite d'Aliénor avaient comprit depuis longtemps qu'avec une telle reine il fallait s'attendre à tout et surtout au plus inattendu. La jeune femme avait apprit au cours de ces années mariée à Louis qu'il fallait toujours faire attention à ce qu'on disait, à qui, et à ce qu'on laissait voir, bien que cela ait été à ses dépends. Ces dernières années avaient été pires que tout. Tout partait à vaux l'eau, il n'y avait plus moyen de réparer les pots cassés. Entre elle et Louis, la rupture était inévitable. Elle n'avait pas put lui donner de fils, indispensable pour ne pas voir le royaume tomber entre les mains d'un incapable si Marie décidait d'épouser un homme peu avisé – et le jeune âge de la petite princesse ne laissait pas encore prévoir si elle saurait être avisée bien qu'Aliénor ferait tout pour qu'elle le soit – et le royaume serait alors en danger. Mais plus loin que cette absence de fils, c'était le seul fait que les deux époux ne se supportent plus qui était un danger pour la stabilité du domaine royal. Si la reine avait été plus effacée ça n'aurait pas été un problème, mais vu le caractère flamboyant de la duchesse d'Aquitaine, digne de son père et de son grand père, il ne fallait pas y compter.
Il suffisait d'attendre l'aval du pape. Mais voilà où le bat blessait. Dans sa main, tellement froissé qu'il paraissait sur le point de se déchirer, Aliénor tenait un pli du pape. Et Eugène III ne faisait que reculer pour mieux sauter. Dans sa lettre, il exhortait Aliénor à la patience, qu'un procès en droit canon prenait du temps, surtout quand il s'agissait de divorcer le roi de France et son épouse. Tout devait être vérifié. Et la reine fulminait. Qu'y avait-il à analyser ? Ils étaient parents au quatrième et cinquième degré, et Dieu avait décidé de les punir en les privant d'un fils, voilà tout. Mais hélas la papauté prenait son temps, et Aliénor avait bien comprit entre les lignes que le pape avait mieux à faire que de s'occuper des problèmes matrimoniaux du roi et de la reine de France à l'instant même, ce qui l'agaçait encore plus. Dans un mouvement d'humeur, elle jeta la lettre en boule sur son bureau. Une chance qu'elle n'ait pas terminé dans la cheminée, ce qui aurait pourtant put lui arriver. La jeune femme se laissa tomber sur l'un des fauteuils de sa chambre en soupirant. Tombant sur son reflet dans le petit miroir de la coiffeuse, elle s'examina. Elle était encore jeune et belle, pourtant si le pape trainait trop, elle ne le serait plus, et ne pourrait se retrouver un époux digne de l'Aquitaine. Car elle ne se faisait pas d'illusion, ce qu'on reprocherait à Marie plus tard si elle restait seule héritière de France pouvait lui arriver tout autant au sortir de ses épousailles avec Louis. Mais aucun prétendant ne lui paraissait digne de ce poids à porter, et ceux qui auraient put l'être étaient par trop jeunes...
La jeune souveraine en était là de ses réflexions quand Elvire, sa femme de chambre, se glissa dans ses appartements après avoir discrètement toqué à l'huis. Elle se présenta devant la reine qui toute à ses pensées ne l'avait pas entendu entrer.
-Pardonnez-moi, ma dame, commença la jeune fille après un salut protocolaire, mais un valet portant la livrée de la duchesse de Normandie vient d'apporter ce billet, à vous remettre en main propre, et comme vous n'aviez pas donné ordre de ne pas vous déranger...
Elvire lui tendit le billet, et Aliénor, se redressant sur son fauteuil, le saisit, et le déplia rapidement. Il s'agissait d'une invitation de Mathilde, l'Empresse, à faire quelques pas en sa compagnie dans les jardins du palais. Aliénor songea avec ironie que les jardins des Tuileries ressemblaient plus à un mouroir, gris comme ils l'étaient, qu'à un véritable jardin comme celui du palais de l'Ombrière à Poitier qu'elle affectionnait tant. Une fois sa lecture achevée – il n'y avait là que quelques lignes – elle laissa retomber sa main, songeuse. Que pouvait bien lui vouloir Mathilde ? Certes, depuis son arrivée à Paris avec son époux et son fils, les rares fois où les deux femmes s'étaient rencontrées avaient été cordiales, presque amicales, mais Aliénor connaissait sa réputation. Une femme qui se bat pour ce qu'elle veut – à savoir le trône d'Angleterre, lui revenant par son père, mais son cousin Etienne s'y accrochait comme un chien à un os – un peu à l'image d'Aliénor. Après quelques instants de réflexion, la souveraine décida que le meilleur moyen de savoir ce que la duchesse d'Aquitaine pouvait lui vouloir, c'était de se rendre à son invitation.
Aliénor bondit sur ses pieds, surprenant Elvire qui avait entreprit de ranger les atours de sa maîtresse. Aliénor se détailla – elle portait ce jour-là une robe de velours bleu sombre, et ses cheveux blonds étaient retenus dans un chignon travaillé, la couronne de reine de France retenant les mèches les plus hautes – et décida que sa tenue était appropriée. Ni trop, ni trop peu. Le temps à l'extérieur était doux pour cette période de l'année, aussi ne prit-elle rien pour se couvrir en plus. Elle laissa le billet se consumer dans sa cheminée. En passant la porte, elle lança à Elvire :
-Souhaite-moi bonne chance ! Et si on me cherche, tu ne sais pas où je suis !!
Ce qui en soit, n'était pas faux. La jeune femme regarda sa maîtresse partir, dans un état d'esprit bien différent de celui dans lequel elle l'avait trouvé. Mais là était Aliénor, elle ne se laissait jamais abattre bien longtemps. Les personnes qu'elle croisait s'inclinaient sur son passage, sans que la jeune femme s'en préoccupa réellement, marchant d'un bon pas jusqu'aux jardins, où elle aperçut immédiatement la duchesse de Normandie. Une aura ce dégageait de cette femme, qui en était à son second mariage, et dont la vie avait toujours été marquée par de grandes actions et de grands combats. Elle semblait invincible.
-Duchesse Mathilde, la salua Aliénor. J'ai été ravie de recevoir votre message. Quel ennui à la cour depuis que ces messieurs sont partis chasser.
La chasse au sanglier... Les mœurs voulaient que cette chasse soit trop dangereuse pour les femmes, aussi n'y étaient-elles pas admises. Ridicule pour une femme du tempérament de la reine, mais au moins, cela laissait un peu d'intimité, même si elle n'était qu'illusoire. La jeune femme blonde vit son aînée congédier ses suivantes d'un signe de la main, et prendre sa cadette par le bras alors qu'elles commençaient à faire quelques pas.
Mathilde l'Emperesse
ϟ Lord of Treason ϟ
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Sujet: Re: Yesterday is history, tomorrow is mystery Jeu 9 Jan - 22:10
Mathilde l'Emperesse a dit:
L'épouse, c'est pour le bon conseil, la belle-mère, c'est pour le bon accueil, mais rien ne vaut une douce maman. Léon Tolstoï
Ses longues boucles blondes encadraient son visage de porcelaine, lui donnant des airs de gravure sainte à en émerveiller plus d’un. Mathilde était d’une humeur splendide ce matin-là. Assise à son écritoire, sa plume dansait avec souplesse sur le papier qu’elle rédigeait. Seul le grattement de la plume se faisait entendre dans les appartements de la Duchesse de Normandie dont elle avait chassée toute sa suite excepté sa fidèle servante Ain qui était occupé à repriser une de ses chemises de nuit. Rien ne pouvait entacher son enthousiasme. Du point de vue de ses trois enfants et de son mari, cette humeur n’augurait rien de bon. Certains avaient de quoi s’en faire car, en effet, Mathilde poursuivait sur sa lancée de jouer les marieuses entre son fils ainé et la reine de France bientôt (elle l’espérait) divorcée.
La première étape de son plan était donc des plus simples : sympathiser autant que possible avec la reine et l’amener à rencontrer son fils. Peut être tomberons-t-ils sous le charme l’un de l’autre ? Mathilde n’était pas de celle qui croyait en l’amour et ses mièvreries mais il fallait bien admettre qu’un petit coup de pouce du destin comme celui-là ne ferait pas de mal à ses projets. Elle avait évoquée le sujet du mariage avec son fils quelques jours plus tôt ce qui n’avait pas donné grand-chose mais la duchesse ne désespérait pas de réussir à le convaincre. Aujourd’hui, il était à présent temps de faire glisser, doucement mais surement, Aliénor d’Aquitaine à la cause du clan Plantagenêt. Ah ! Que ne faisait-elle pas pour cette famille ? pensa Mathilde. Ce n’était pas comme son mari. Elle voyait loin, bien plus loin que n’importe qui.
« Haha ! Oui oui… » S’exclamait avec conviction la duchesse en réponse à ses propres pensées en brisant le silence de la pièce (et laissant sa servante l’observer très intriguée).
La dynastie Plantagenêt serait plus brillante que jamais ! Chaque mot qu’elle traçait sur le papier était un pas de plus vers son ultime but… Dans un dernier geste presque dramatique, elle signa son invitation d’un voluptueux « Mathilde ». Elle sabla rapidement le message avant de fermer sa missive avec son cachet puis elle se leva sans perdre un instant en tendant le papier vers Ain.
« Tiens gamine, va faire porter ceci à la reine de France » ordonna-t-elle.
La gamine en question posa son ouvrage en un éclair et se dépêcha d’aller à la porte pendant que Mathilde lui recommandait pour la millième depuis qu’elle était entrée à son service :
« Ne perds pas instant petite, cours comme le vent ! »
Mathilde détestait attendre. Ses quatre grossesses (sans parler de ses quelques fausses couches) avaient été un véritable calvaire pour elle. Ne rien faire, patienter gentiment, n’était absolument pas dans sa nature. Elle était une femme d’action. Si le protocole avait été plus souple, l’Emperesse se serait surement permis de porter sa propre invitation elle-même jusque dans les mains de la reine. On n’est jamais mieux servie que par soi-même, n’est-ce pas ? Toujours est-il que la duchesse devait attendre l’heure du rendez-vous. Déambulant dans ses appartements elle tentait faussement de s’intéresser à quelques livres éparpillés ici ou là, se prendre de fascination pour la tapisserie qui était pendue sur ce mur, jeter un œil à ses bagues… Mais que pouvait bien faire Ain ? Est-ce si long de porter un message dans un palais ? Quelques instants après avoir commencée à fulminer, Mathilde vit enfin revenir Ain qui avait bien trouvé quelqu’un pour porter son invitation à la reine. Il ne restait plus qu’à se rendre dans les jardins des Tuileries (un semblant de jardin selon la duchesse…) à l’heure dite de son rendez-vous. Elle se doutait sans peine qu’un esprit aventureux et curieux comme celui de la duchesse d’Aquitaine voudrait forcément en savoir plus que cette invitation de quelques lignes.
C’est après avoir revêtue une robe de velours pourpre et brodée de fils d’or (aux couleurs de la Normandie) et s’être couronnée d’une tiare dorée ornée de petits rubis que la duchesse Mathilde se rendit enfin dans les jardins. Sa cascade de cheveux blonds volait toujours avec grâce et légèreté derrière elle comme la brume de quelques êtres surnaturels. Son pas toujours plus régulier et assuré, elle traversait le Palais de la Cité avec son écrasante détermination, ne jetant pas un seul regard à quiconque croisait sa route. Cette attitude n’exprimait pas nécessairement son caractère hautain qui avait forgé sa réputation mais bien la simple idée d’être enfin seule à seule avec la jeune Aliénor. Cette idée l’obsédait de plus en plus depuis qu’elle l’avait décidée. Mathilde déploierait autant de sympathie (et de stratagèmes s’il le fallait) pour obtenir le cœur de la belle reine de France. Si seulement Henri s’était montré moins borné, sa mère l’aurait peut être laissé prendre les choses en main avec la duchesse d’Aquitaine. Seulement voilà, chez les Plantagenêt, il fallait que Mathilde se débrouille toujours toute seule. Quelle famille !
Lorsqu’elle arriva enfin dans les jardins ceux-ci étaient désespérément vides de toute présence de la reine. Mais Mathilde ne s’en inquiétait pas plus que cela. Son empressement pour enfin lui parler l’avait sans doute amenée quelque peu en avance… L’Emperesse pouvait mener une guerre contre n’importe qui jusqu’au tombeau s’il le fallait mais quand il s’agissait de choses plus simples et immédiates, elle ne manquait pas de faire savoir qu’elle était pressée ! Mais puisqu’elle était seule en cet instant il n’y avait personne sur qui se plaindre. Alors elle déambula sagement dans les jardins en conservant cette expression sereine et glacée, si étrange, aux antipodes de son caractère de feu. Mathilde ne semblait pas avoir d’âge et c’est ce qu’on remarquait en premier chez elle. Ni jeune, ni vieille, sa frêle silhouette était simplement là, attirant inévitablement les regards curieux. Alors qu’elle faisait semblant de s’intéresser à quelques fleurs qui poussaient là, elle vit enfin du coin de l’œil arriver Aliénor qui se dirigeait vers elle, seule. C’était parfait !
Avec un sourire et une douceur éclatante, Mathilde se tourna vers la duchesse en tendant ses paumes blanches vers elle comme une mère accueille chaleureusement sa progéniture. Malgré son caractère bien trempé, elle savait séduire, quand elle le voulait.
« Votre Altesse ! s’exclama Mathilde d’une voix chantante.
-Duchesse Mathilde, la salua Aliénor. J'ai été ravie de recevoir votre message.
-Tout le plaisir est pour moi, Majesté, fit modestement la mère Plantagenêt en posant une main sur son « cœur ».
Et c’est sans la moindre permission que Mathilde prit la reine de France part le bras comme si elle retrouvait une très vieille amie et elle commença à l’emmener à sa suite dans les jardins, une main posée sur la sienne comme une mère se confie à sa propre fille.
-Quel ennui à la cour depuis que ces messieurs sont partis chasser, fit Aliénor avec dépit.
-Comme je vous comprends ! soupira la duchesse. Les grands espaces de mon domaine de Normandie me manquent rien que pour le plaisir de la ballade à cheval. La vie en ces lieux est bien différente ! fit la normande avec un petit sourire mystérieux. Ici, il nous faut nous taire tout en réalisant avec talent du crochet et de la broderie. Ah ! Quel tableau…
Mathilde n’avait pas peur d’affirmer ses opinions. Elle se dévouait à la foi chrétienne, faisait construire des abbayes et des couvents mais il était contre sa nature d’être sagement assise dans un coin et ne rien dire. On lui avait suffisamment rapporté le caractère de la reine de France pour qu’elle en déduise aisément qu’elle avait trouvée son exacte reflet (à peu de chose près). Quoi de mieux que son double pour être aux côtés de son fils adoré ? (Non cher lecteur ! N’y voyez rien de tendancieux là-dedans… Freud n’est pas encore né après tout !)
Après un léger silence entre les deux femmes marchant tranquillement dans les allées bras dessus, bras dessous, Mathilde se tourna vers son hôtesse avec un sourire amicale et tendre :
- J’espère que mes discours de vieille femme ne vous ennuie point ! s’exclama Mathilde en prenant des airs faussement inquiets. Je ne voudrais pas vous donner l’impression d’être de ces vieilles personnes qui radotent sans cesse ajouta-t-elle avec amusement avant de reprendre sur un ton plus guillerets. En parlant de jeunesse, ma chère, n’avez-vous pas été présentée à mon fils ainé ? demanda-t-elle comme si elle demandait de simples banalités avant de faire comme si elle était soudain gênée. Pardonnez l’audace de ma question, mais mon fils me parle régulièrement de vous… Je n’ai pas pu résister ! fit Mathilde avec un sourire malicieux. Je pense qu’il serait tout à fait ravi de faire connaissance de l’épouse de celui à qui il a prêté allégeance. Qu’en dites-vous ?
Mathilde jetait distraitement un regard aux alentours pour être sûr d’être à l’abri de quelques oreilles indiscrètes avant de reporter son attention sur la jeune femme à ses côtés.
- J’espère que vous ne trouvez pas cette invitation trop audacieuse, Votre Altesse, fit modestement la duchesse normande. Je ne voudrais pas qu’un geste de pure amitié soit mépris comme un piège. J’ose à peine imaginer ce qu’on raconte en France à notre propos… soupira-t-elle tristement avant de retrouver ses airs de tendre tigresse. En tout cas, sachez que vous êtes la bienvenue chez nous et que cela serait un grand honneur de vous compter parmi nos amis et invités.
L’Emperesse présentait ses intentions de façon très franche tout en les déguisant de bonnes manières et de douceur maternelle. Elle se demandait encore comment la duchesse d’Aquitaine allait prendre les choses. Mathilde avançait à pas de velours… Mais elle savait toujours où elle allait.
Aliénor d'Aquitaine
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Sujet: Re: Yesterday is history, tomorrow is mystery Dim 9 Fév - 11:23
Aliénor d'Aquitaine a dit:
Deux femmes de tempérament réunies, seule à seule. Cela ne pouvait que présager de grands projets ou la pire des tempêtes. Ou peut être les deux en même temps. Aliénor n'avait été présenté à la duchesse douairière de Normandie que peu de temps auparavant et pourtant elle avait tout de suite été impressionnée et prise d'affection pour cette femme qui savait ce qu'elle voulait et où elle allait. Impératrice du Saint-Empire dont elle avait gardé le titre honorifique et en avait fait un surnom à sa mesure, duchesse de Normandie et pendant quelques temps reine d'Angleterre, elle aussi jouait dans ce grand jeu d'échec à échelle humaine qu'était la politique. Et Aliénor ne pouvait s'empêcher de penser qu'elles se ressemblaient beaucoup, des femmes luttant dans un monde d'homme où elles n'avaient pas vraiment leur place mais où leur position d'unique héritière de leurs pères respectifs les avaient placées sans qu'elles n'aient rien eut le temps de demander à qui que ce soit. Cela et leur tempérament faisait qu'elles n'avaient pas la moindre envie de s'en laisser compter. Pourtant, Mathilde avait quelque chose qu'Aliénor n'avait pas, de l'expérience. Une expérience qui lui faisait si cruellement défaut la plupart du temps d'ailleurs et lui faisait faire beaucoup de bêtises stratégiques. Bêtises qu'actuellement Mathilde ne ferait certainement pas, mais qu'en était-il quand elle avait l'âge d'Aliénor ? Le passé était passé, il ne valait mieux pas s'y attarder, alors pourquoi la jeune femme se réveillait encore la nuit en pensant à ces personnes mortes à cause de son égo ? Une église se consumant dans les flammes étaient un des rêves récurants de la jeune reine quand il ne s'agissait pas des croisades.
Mais c'était plus la curiosité que l'admiration qui avait poussé Aliénor a accepter cette invitation aussi impromptue. Elle n'était pas d'humeur à badiner avec les jeunes femmes de sa suite qu'elle avait envoyé broder, supervisée par certaines dames qu'elle espérait plus avisées. La souveraine avait besoin de changer d'air. Le prétexte était parfait. Certes, le soir même, l'entrevue entre la reine et l'empresse serait sur toutes les lèvres, mais au moins, personne ne saurait ce qu'elles auraient bien pu se dire, dans ce jardin presque désert. La discrétion était difficile dans ce genre de château. Mais de quoi pouvait bien parler les femmes qui puisse intéresser ces chevaliers tant occupés ? Rien de bien intéressant aux yeux de tous. Quelques ragots qui mourraient dans la semaine tout au plus si aucune rumeur ne venait prendre le pas avant, ce qui serait surement le cas. Maintenant que la cour avait triplé de volume de part la dernière idée de Louis – et quelle idée ! - il y avait bien des choses plus intéressantes auxquelles s'intéresser plutôt que ce qu'avaient bien pu se dire Mathilde et Aliénor lors d'une promenade dans une journée ennuyeuse à mourir. Pourtant la véritable raison, seule Mathilde devait la connaître et la curiosité d'Aliénor était piquée. Elle devait savoir la raison de ce billet écrit par l'Empresse, quelle qu'elle soit. Aussi l'avait-elle rejoint dans les jardins où elles s'étaient vite retrouvées seules, à échanger des banalités.
Il était un peu tôt pour être déjà déçue mais Aliénor ne se faisait pas d'inquiétude.
-Votre Altesse ! Tout le plaisir est pour moi, Majesté.
Bras dessus, bras dessous, comme deux vieilles amies, les deux femmes marchaient tranquillement dans les jardins, ne croisant âme qui vive ou presque. On ne pouvait pas compter les serviteurs comme de véritables personnes ! La jeune femme orienta la discussion vers l'ennui du château ce jour là, ce à quoi sa compagne acquiesça.
-Comme je vous comprends ! Les grands espaces de mon domaine de Normandie me manquent rien que pour le plaisir de la ballade à cheval. La vie en ces lieux est bien différente ! Ici, il nous faut nous taire tout en réalisant avec talent du crochet et de la broderie. Ah ! Quel tableau…
Aliénor pouffa. La broderie et le crochet étaient pourtant des maux nécessaires pour occuper des après-midis bien ennuyeux. Ou un voyage militaire qui s'éternisait, c'était selon. La franchise de Mathilde l'amusait. Cela mettait un peu de fraicheur dans ce palais triste et ennuyeux où tout le monde semblait marcher sur des œufs. Cela n'aurait été pour sa futur séparation avec Louis, Aliénor serait restée à Poitier à attendre le verdict du Pape – qui, elle l'espérait, ne saurait tarder.
-J’espère que mes discours de vieille femme ne vous ennuie point ! Je ne voudrais pas vous donner l’impression d’être de ces vieilles personnes qui radotent sans cesse.
Aliénor fit signe que non, mais n'eus pas le temps d'ajouter quelque chose que déjà sa compagne reprenait :
-En parlant de jeunesse, ma chère, n’avez-vous pas été présentée à mon fils ainé ? Pardonnez l’audace de ma question, mais mon fils me parle régulièrement de vous… Je n’ai pas pu résister ! Je pense qu’il serait tout à fait ravi de faire connaissance de l’épouse de celui à qui il a prêté allégeance. Qu’en dites-vous ?
Aliénor s'était un peu raidie. Henri ? C'était donc cela ? Elle n'avait rencontré le jeune homme qu'une fois. D'une dizaine d'année son cadet, il avait demandé une faveur à la reine lors du tournoi organisée pour l'arrivée des délégations, que, par pure bravade envers Louis, elle avait acceptée de lui donner. Et voilà où s'étaient arrêté les relations entre Henri et Aliénor – si tant est qu'elles avaient jamais commencées. Il était plutôt jolie garçon, mais il respirait la suffisance et l'orgueil, ce qui agaçait prodigieusement la jeune femme. Et comme tout ce qui l'agaçait, il avait donc mérite à être connu. Avançant avec prudence, la réponse d'Aliénor se fit évasive :
-Certes, cela serait parfaitement d'occasion. J'ai beaucoup entendu parler du jeune duc et je serai ravie de lui être mieux présenté que les quelques mots que nous avons brièvement échangés lors de ce tournoi...
Aliénor se demandait tout de même où Mathilde voulait en venir. Pensait-elle... ? Aliénor n'était pas encore divorcée mais elle avait déjà reçu des propositions, du moins à demi mot, de certaines personnes. L'Aquitaine était un endroit tentant. Mathilde pensait-elle à proposer Henri ?
-J’espère que vous ne trouvez pas cette invitation trop audacieuse, Votre Altesse. Je ne voudrais pas qu’un geste de pure amitié soit mépris comme un piège. J’ose à peine imaginer ce qu’on raconte en France à notre propos… En tout cas, sachez que vous êtes la bienvenue chez nous et que cela serait un grand honneur de vous compter parmi nos amis et invités.
La tentation était grande pour la jeune femme. Changer un peu d'air, faire autre chose que de divertir cette assemblée qui s'était largement accrue. Hélas, cela risquait de ne pas plaire à tout le monde. Aliénor réserva sa réponse le temps de quelques pas, le temps d'y réfléchir. Elle avait quelques réserves. Et les récentes attentions du comte de Champagne, qui pour l'instant n'avait pas divulgué ses intentions, mais devenait plus présent, n'y étaient pas étrangères. Finalement, elle s'arrêta et fit face à Mathilde, un sourire contrit de petite fille prise en faute se dessina sur ses lèvres.
-Ce serait avec plaisir, mais je crains que cela ne déplaise à certains, à commencer par le roi... Je ne veux pas vous froisser, duchesse, bien au contraire, et je vous remercie de cette invitation, mais j'ai peur que quelque chose de trop formel ne fasse jaser.
Et dans sa position précaire, Aliénor ne pouvait rien se permettre de la sorte, Louis pouvait si facilement revenir en arrière. Certes, quelques mois auparavant, choquer la cour ne l'aurait pas dérangée, faire bouger ces têtes bien trop pensantes était un amusement indescriptible. Mais c'était avant les négociations d'annulation du mariage. La jeune femme détourna les yeux, essayant de trouver une solution. Après tout, le jeune Henri avait l'air d'avoir de l'esprit et il serait un divertissement sans nom pour lui changer les idées de son mari.
-Mais, quelque chose de moins formel peut être ? De plus... disons improvisé ? On ne pourrait me reprocher d'avoir rencontré le duc par hasard alors que j'étais en votre compagnie. Rien de plus naturel qu'un fils qui visite sa mère, bien que je n'ai pas eus de fils pour prouver cet amour filial qu'il semble vous porter. Heureusement, mes filles consolent ce manque en mettant un peu de joie dans ce palais bien morne.
L'idée la grisait, cela devait se lire dans son visage. Aliénor avait toujours aimé l'interdit. Reprenant le bras de Mathilde, elles reprirent leur marche.
-Trois fils... comme je vous envie. Le roi et moi ne serions pas dans cette situation si le Ciel avait accepté de m'en donner un seul. Hélas, il n'a pas eut cette bonté. Sans doute un signe que notre union est contre nature...
Il y avait peut être des sous entendus dans les paroles de la reine. Mais jamais elle n'aurait osé les dire à haute voix.
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