Deus Ex Machina ϟ Lord of Treason ϟ
Messages : 149 Date d'inscription : 01/07/2012
| Sujet: La Situation Géopolitique Ven 4 Oct - 14:27 | | Deus Ex Machina a dit: | La situation géo-politique au XIIème siècle Qui est qui, qui fait quoi ? Cette France sur laquelle règne Louis VII depuis 1137 est un royaume issu de la Francia occidentalis que Charles le Chauve récupère lors de la partition de l'empire de Charlemagne en 843. Depuis le IXe siècle, des nombreux troubles politiques ont fini par chasser les Carolingiens du pouvoir pour permettre à la famille capétienne de s'imposer mais au prix d'une nouvelle organisation du pouvoir laïque, appelée féodalité et qui a fait éclater l'autorité publique en diverses régions plus ou moins autonomes, avec plus ou moins de caractéristiques qui leur sont propres. Mais le roi demeure l'autorité suprême et incontestable et son rôle est considérablement en train de se modifier au cours du XIIe siècle. Le royaume est entouré par des puissances essentielles sur l'échiquier européen : à l'ouest, le royaume d'Angleterre déchiré par une guerre civiles, au sud, les états espagnols en pleine Reconquista de la péninsule et à l'ouest, le saint-Empire romain germanique qui continue à se réclamer des Carolingiens et dont l'empereur Conrad ne va pas tarder à laisser le pouvoir à un jeune homme plein d'ambition, Frédéric Barberousse.
France
Le royaume de France du XIIe siècle correspond peu ou prou à la France actuelle amputée de sa partie ouest avec la Provence, le royaume de Bourgogne et la Lorraine, terres d'Empire mais agrandie par le comté de Flandres. Au milieu du XIIe siècle, l'autorité royale descend peu dans le sud du pays où le pouvoir est le plus morcelé et on oppose généralement une France du Nord dominée par la langue d'oïl et le droit barbare avec une France du Sud où on parle la langue d'oc et soumise au droit romain. Toutefois, la tutelle royale est reconnue partout ne serait-ce qu'idéalement et les plus grands seigneurs de ces contrées sont souvent des vassaux directs de Louis VII.
La dynastie capétienne, descendante des rois Robertiens, s'impose définitivement en 987 avec l'élection et le sacre d'Hugues Capet. Ses premiers représentants étaient les maires du palais des Carolingiens et possédaient des fiefs dans l'Île-de-France. Ce sont ces terres ajoutées aux possessions historiques des Carolingiens et quelques acquis du XIe siècle (dont Bourges) sur lesquels gouverne directement le roi. Ce dernier a également des liens étroits avec certaines terres ecclésiastiques comme Reims. En terme de puissance, Louis VII fait parfois pâle figure face aux grands comtes qui l'entourent et qui sont ses vassaux mais son domaine est géré de manière rigoureuse ce qui lui permet de vivre confortablement et de n'avoir jamais à contracter de dettes. Il peut également compter sur la dévotion de grands prélats à son égard ainsi que de petits seigneurs d'Île-de-France composant une mesnie efficace qui fait parfois son apparition au conseil et se partage les offices. Toutefois, son prestige rehaussé par son sacre qui en fait un élu divin ne cesse de grandir et s'il ne peut imposer sa volonté sur des terres qui échappent entièrement à son contrôle, on fait appel à lui pour rendre justice et on lui doit un respect que personne n'ose rompre. Seule difficulté ? L'absence d'héritier mâle pour la couronne. Ce miracle capétien qui veut que chaque roi ait un fils est-il sur le point de faire défaut ?
Aquitaine
Le sud du royaume est presque entièrement sous domination aquitaine dont le duché va du Poitou à la Gascogne en passant par l'Auvergne à l'exception du comté de Toulouse qui résiste opiniâtrement au pouvoir des ducs, préférant l'alliance directe avec Louis VII. Il s'agit là de la province la moins cohérente et la plus morcelée politiquement du royaume. Si les comtes de Poitiers se sont imposés au Xe siècle et ont placé la couronne ducale sur leur front, ils ont toujours du mal à se faire reconnaître des petits seigneurs de Gascogne où une multitude de forteresses couvre le territoire en autant de lignages indépendants. Après la mort de Guillaume IX, le province a échu à sa fille aînée, Aliénor qui a épousé le jeune roi Louis VII devenant de ce fait duc d'Aquitaine et imposant ses propres hommes dans le duché, même si cela est remis en question par la mésentente du couple royal. L'Aquitaine est surtout la terre d'un important essor culturel que l'on voit par la multiplication des troubadours et la montée en grâce de l'amour courtois.
Anjou et Normandie
L'ouest du domaine royal de Louis VII est presque entièrement sous la domination d'une même lignée issue des terres d'Anjou et perpétuellement en guerre contre le pouvoir en Angleterre. Les comtes d'Anjou dont la capitale était à Angers, vassaux historiques des Capétiens, ont agrandi leur territoire grâce à une politique agressive et ont notamment mis la main sur la Touraine au détriment des comtes de Blois au cours du XIe siècle. Geoffroy le Bel, le père d'Henri Plantagenêt et Geoffroy de Nantes, mène une politique audacieuse en épousant la fille du roi d'Angleterre et en se faisant nommer héritier de cette dynastie normande à qui le roi de France avait confié la Normandie au IXe siècle et qui était monté sur le trône d'Angleterre avec Guillaume le Conquérant. Mais cet héritage est confisqué par un neveu du roi d'Angleterre ce qui donne lieu à une guerre de succession particulièrement difficile : en 1151, Geoffroy a conquis le duché de Normandie et peut profiter de la puissance de cette terre particulièrement bien administrée et presque entièrement dévouée à son seigneur, alors que l'Angleterre demeure aux mains d'Etienne de Blois. Les conflits de juridiction avec Louis VII sont légion notamment à propos du Maine et du Vexin dont on ignore de qui ces terres dépendent réellement d'autant que le roi voit pointer la menace d'un bloc qui lui ferait front. Mais pour le moment, Henri Plantagenêt a besoin de la neutralité du roi pour mener sa guerre en Angleterre et a accepté de prêter hommage comme ses devoirs de vassaux l'exigent.
Blésois et Champagne
Une autre puissance enserre le domaine royal, il s'agit de la principauté des Blois-Champagne. Cette famille est issue d'une alliance entre les Vermandois descendants de Charlemagne et les vicomtes de Tours et de Blois, vassaux directs des rois de France. Au fil des siècles, malgré la perte de la Touraine, le territoire de ces comtes n'a cessé de s'agrandir et forme un amas complexe de domination sur des villes aussi diverses que Chartres, Châteaudun, Blois, Provins, Troyes, Meaux ou Sancerre entre autres, faisant de leurs possesseurs des vassaux stratégiques des rois. En 1151, le vieux comte Thibaud IV le Grand qui avait réuni toutes les terres familiales entre ses mains, un vieil opposant à Louis VI et Louis VII, jaloux de son indépendance, a partagé le pouvoir entre ses trois fils : l'aîné Henri a la Champagne, le deuxième Thibaud le Blésois et le dernier, Étienne Sancerre, lesquels inaugurent une politique d'apaisement avec le pouvoir royal. Si le Blésois est en première ligne face à la puissance montante angevine, la Champagne, amputée de Reims et de Châlons, est un comté dynamique et le point névralgique de l'économie du royaume où circulent de nombreux marchands venus de toute l'Europe et des capitaux qui imposent le denier provinois dans une large partie de la France, le symbole en est sans conteste ses foires très réputées. Cela permet à la famille des Blois-Champagne d'être l'une des plus riches du royaume et de mener une politique ambitieuse qui soude les trois frères.
Flandres
Le comté de Flandres occupe la partie nord du royaume, actuels nord de la France, Belgique et Pays-Bas, mais son destin est étroitement lié au pouvoir royal dont il dépend directement. Il a, au cours des XIe et XIIe siècles, été âprement disputé entre diverses familles donnant lieu à des querelles de succession dans lesquelles sont intervenus duc de Normandie et roi de France. Si à l'heure actuelle, le comte est Thierry d'Alsace, l'époux de la très volontaire Sibylle d'Anjou, sœur de Geoffroy le Bel d'Anjou et fille d'un roi de Jérusalem, leurs voisins comtes de Hainaut ne cessent de s'intéresser d'un peu trop près à ce fief. En effet, la position du comté est stratégique, elle est au centre d'un réseau commercial qui passe par la Champagne et mène jusqu'en Angleterre et les comtes ne peuvent se permettre de se fâcher avec les dirigeants de ces dernières provinces. Elle est également le cœur d'une production de draperies qui irriguent l'Europe et enrichissent les comtes de Flandres établis à Gand.
Les grands comtes sont chacun entourés de leur propre cour plus ou moins importante et de leurs propres officiers (chancelier, sénéchal ou bouteiller pour ne citer qu'eux) ce qui participe à leur prestige. Ils sont en charge des pouvoirs régaliens dans leurs principautés, notamment le droit de rendre justice, et se montrent souvent jaloux de leurs privilèges même si la figure du roi connaît un retour en grâce dès le milieu du XIIe siècle en tant que protecteur de la paix et de l’Église.
C'est au XIIe siècle que le lignage devient essentiel dans le royaume de France, on cherche à se réclamer d'ancêtres prestigieux et avérés mais les anciennes pratiques ne disparaissent pas totalement : les femmes commencent à peine à se faire écarter des successions et dans bien des fiefs, on continue à partager les terres du père entre ses fils ce qui entraîne la dislocation de puissances et l'émiettement du pouvoir public. |
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