Deus Ex Machina ϟ Lord of Treason ϟ
Messages : 149 Date d'inscription : 01/07/2012
| Sujet: La culture de cour au XIIème siècle Dim 6 Oct - 10:23 | | Deus Ex Machina a dit: | La culture de cour au XIIème siècle Arts, trouvères et troubadours... La cour, un lieu où l'on s'adonne à la grossièreté et aux chansons paillardes ? Détrompez-vous, ce sont des centres d'une vie raffinée où les mœurs sont polis et où on se livre aux plaisirs intellectuels les plus délicats – enfin presque... ! Chaque grand seigneur a sa propre cour dans laquelle il est entouré de ses familiers et des poètes dont il est le mécène, elles sont particulièrement brillantes dans le sud, à Poitiers, Toulouse ou Barcelone. Quelques-unes se démarquent au nord, notamment celle du roi de France, surtout depuis l'arrivée d'Aliénor, en Champagne ou en Flandre. En tout cas, ce sont elles qui nous ont laissé les plus grandes œuvres littéraires de ce temps : les romans de chevalerie.
Qui sont les trouvères et les troubadours ?
Leur nom viendrait d'un latin abâtardi et populaire qui signifierait « trouver » ou « composer ». Ce sont des poètes et des musiciens, l'un ne va pas sans l'autre à cette époque, qui composent leurs propres vers et qui les chantent ou les récitent devant des cours seigneuriales par lesquelles ils sont payés. Il est difficile de savoir d'où ils viennent exactement, certains sont d'origine noble comme Guillaume IX d'Aquitaine, d'autres ont des situations sociales plus faibles, quelques-uns sont même des clercs. S'ils sont en deux groupes, c'est surtout parce que si les uns exercent dans le sud en langue d'oc, les troubadours, leurs homologues du nord, les trouvères, parlent la langue d'oïl. Ils chantent les exploits des chevaliers, l'amour des dames et s'intéressent à des légendes et chansons de geste qui perdurent : la matière de France fait la part belle à Charlemagne (songez à la Chanson de Roland), la matière de Bretagne aux mésaventures de la table ronde alors qu'Alexandre le Grand demeure une référence incontournable. Ils ne dédaignent pas non plus les chansons satiriques quand il s'agit de moquer.
Mais ils ne sont pas seuls à parcourir les routes à la recherche de mécènes : les jongleurs ne sont la plupart du temps que des exécutants, des interprètes, alors que les troubadours et trouvères sont les auteurs des textes qu’ils récitent. Cela dit, il est fréquent que le jongleur introduise des variantes dans le texte, le mette à son goût, l’adapte ou y insère des passages personnels. Ils s'accompagnent d'une vielle et parfois d'un véritable spectacle qui prend corps lors des fêtes ou des banquets.
Tous ces artistes ont leurs équivalents féminins : dans le sud, on trouve des trobairitz ou femmes troubadours quant à elles toujours de naissance noble et ayant reçu une solide instruction littéraire. Quant aux jongleuses ou joglaresses, on ne sait que peu de choses d'elles sinon qu'elles étaient également moins bien considérées que leurs homologues.
La promotion de l'amour courtois
L'amour courtois (ou fol'amor ou encore fin'amor) est une façon réglementée de se comporter en présence d'une femme de qualité, né dans le sud du royaume puis véhiculé au XIIe siècle au nord et basé sur une sorte de relation vassalique entre un homme et une femme. Il désigne l'amour profond entre une dame et son prétendant qui doit être à son service et rester fidèle. C'est un amour hors mariage mais pas forcément platonique – ce que l’Église n'apprécie pas beaucoup évidemment – ancré à la fois dans les sens et dans l'esprit. L'amoureux est normalement d'un rang inférieur et s'adresse à une femme lointaine et inaccessible pour laquelle il se meurt d'amour, d'autant plus si elle feint l'indifférence puis lui donne une série d'épreuves pour la conquérir. Cet amour courtois se marie très bien à un idéal chevaleresque très prégnant dans la société médiévale et est chanté et célébré par les trouvères qui l'imposent comme le véritable amour et le mettent en avant dans leurs romans de chevalerie. Qui ne connaît pas l'histoire de Guenièvre et Lancelot ?
Cette culture est essentiellement orale et véhiculée par des laïcs ce qui est exceptionnel à une époque où le clergé occupe une telle place dans la société. Chaque seigneur s'enorgueillit d'avoir son protégé, et on sait déjà que la reine Aliénor apprécie beaucoup Bernart de Ventadour et les comtes de Champagne le jeune Chrétien de Troyes... Ne vous laisserez-vous pas à votre tour charmer par l'une de leurs chansons d'amour ? |
|