Il était une fois, il y a fort longtemps...
Première partie: Eustorgie, une d'Anduze avant tout.Chateau de Portes, fief de la famille d'Anduze. 1127"je vous salue Marie, pleine de grâces, vos entrailles sont bénies. Le seigneur est .."La petite Eustorgie, agenouillée sur le sol, les mains jointes dans une attitude de prière, récitait avec application les paroles que sa mère venait de lui enseigner, bien que n'y comprenant que goutte. A son âge, on ne savait pas vraiment ce que pouvait bien vouloir désigner les entrailles.
"Non, non, non!Combien de fois faudra t il que je me répète. Quelle buse vous faites!"Sa mère à ses côtés, était passablement exaspérée de l'entendre se tromper pour la troisième fois dans sa prière et commençait à perdre patience.Le petit Bertrand, d'un an l'ainé d'Eustorgie choisit justement ce moment pour passer dans la pièce, ayant visiblement semé son précepteur. Sybille de Montpellier trop absorbée par sa tâche présente ne le remarqua pas. Du moins pas avant que le garnement n'émette un petit rire étouffé en voyant sa mère s'énerver ainsi des erreurs de sa petite soeur.
"Bertrand, retirez cet air idiot de votre visage et retournez immédiatement apprendre à compter ou bien vous ne deviendrez jamais chevalier"Le visage du garçonnet s'allongea en entendant cela mais il n'osa pas contester l'autorité de sa mère et s'en alla aussitôt.Il venait tout juste de commencer son éducation auprès d'un maitre et avait encore du mal à éprouver de l'intérêt pour les chiffres. On le comprend! Amusée par la tête qu'avait affiché son fils quelques instants auparavant, Sybille se radoucit et comprenant que tout ceci n'avait rien d'évident pour une petite fille de six ans, tenta d'expliquer à Eustorgie la signification de cette prière.. dans les grandes lignes bien sûr.
"La vierge est bénie par le Seigneur dans sa totalité, et pas seulement son ventre. Et le fruit de son ventre est également béni,c'est à dire le petit enfant qu'elle porte en elle, le Christ qui est le fils de Dieu qui est notre père à tous"De telles paroles, de façon prévisible rendirent toute l'histoire encore plus incompréhensible aux yeux de la petite Eustorgie qui prit tout au pied de la lettre et jugea après un bref raisonnement de tête que tout ceci n'était pas logique
"Mais ça n'est pas possible. Si Dieu est notre père, alors le Christ est notre frère, et mon frère n'est pas le Christ, c'est juste Bertrand. Et le père de Papa, c'est juste mon grand père, ça ne peut pas être mon père puisque c'est papa mon père"La mère de la petite Eustorgie se retint tout juste de soupirer. Eduquer un enfant était vraiment loin d'être une sinécure. Par chance dès l'année prochaine, elle pourraitenfin confier sa fille à un précepteur, tout comme Bertrand. En attendant, elle prendrait son mal en patience... . Seigneur, pria t elle très fort intérieurement, faites que Bertrand ne cherche pas à me faire d'autres enfants!
"Ma fille, il faut élever un peu votre esprit! Si vous voulez être davantage qu'une simple maitresse de maison plus tard, il faudra cesser vos considérations trop terre à terre et commencer à prendre de la hauteur"Eustorgie venant tout juste d'avoir 6 ans pensa en elle même que jouer la maitresse de maison devait être aussi amusant que de jouer à la poupée.
Elle ne voyait pas ce que sa mère pouvait bien reprocher à une telle activité. Et prendre de la hauteur? Que voulait elle dire par là? Fallait il qu'elle grimpe sur un arbre?
Cependant elle préféra s'abstenir de formuler à haute voix ses pensées, après tout elle se trompait sûrement et mieux valait se tromper en silence plutôt que de faire savoir à sa mère le fond de sa pensée. On ne sait jamais, des fois qu'elle déciderait de la corriger, cela pourrait rallonger sa leçon or la seule chose qu'Eustorgie attendait, c'était que sa mère lui permette enfin de mettre le nez dehors. Le soleil qui brillait avec force dehors, la narguait depuis tout à l'heure, il donnait la promesse d'une escapade merveilleuse dans la garrigue. Mais pendant que les heures s'écoulaient sur le cadran solaire fixé à l'extérieur, elle était livrée à son titre sort: L'apprentissage des prières dans une bâtisse sombre et froide. Elle connaissait déjà par coeur l'Oraison dominicale et se serait parfaitement contentée de celle ci si elle avait pu. Mais sa mère tenait à ce qu'elle ne ressorte pas de là avant de connaitre les 3 grandes prières qui, selon elle, étaient le béaba de l'éducation d'une jeune personne. Eustorgie, elle, aurait préféré aller jouer au jeu de cache cache qui était en ce moment même en train de se dérouler dans le village. Le fils du forgeron en aurait sûrement profité pour tirer ses longues tresses, mais au moins elle aurait pu s'amuser un peu et profiter de Phoebus le flamboyant.
Malheureusement sa mère l'avait attrapée au moment même où elle avait franchi le seuil du château pour rejoindre les autres enfants. Dire qu'à quelques minutes près elle aurait pu éviter de se retrouver là. La vie était vraiment injuste! Et puis d'abord pourquoi 3 prières? Une c'était largement suffisant!
Résignée, la petite tête brune détourna la tête du vitrail ouvert sur l'extérieur, abandonnant à regret ses espoirs de promenade et de jeux.
Seigneurie principale d'Anduze 1136Aujourd’hui n’était pas un jour comme les autres, on venait de marier un des hommes de la famille..Son frère ?Seigneur non.. et dieu merci pour la pauvre femme qui aurait dû partager ses jours ! Il était encore à l’âge où les garçons sont de parfaits idiots. L’homme de la journée n’était autre que Bernard Pelet de Narbonne qui venait exprès à Anduze pour présenter sa nouvelle épousée à ses parents éloignés. Un lointain cousin, vraiment lointain. Aussi lointain en degré de parenté qu’en personnalité d’ailleurs.
A 15 ans tout juste, on disait d'Eustorgie qu'elle ne faisait pas son âge et surtout qu'elle était discrète. Elle n’était pourtant ni timide, ni effacée ,elle ne faisait que suivre les conseils avisés de sa mère qui les distribuait par centaine, aspirant à faire de son seule enfant de sexe féminin, la perfection faite femme. Après tout, Eustorgie en tant qu’unique fille de la maisonnée avait surtout pour destinée de permettre d’accroitre le patrimoine dont son frère hériterait. Partant du principe que plus on admirerait sa fille, plus celle-ci aurait de chance de faire un mariage prestigieux et avantageux pour le domaine d’Anduze,la mère de la jeune fille, Sybille de Montpellier lui répétait donc jour après jour quelques préceptes qu’elle tenait elle-même de sa mère:
« Souviens toi ma fille, qu’on préfère une demoiselle réfléchie plutôt qu’une jeune fille qui parle à tort ou à travers. »
« Il est toujours bon de s’entourer d’une aura de mystère et de ne pas dévoiler tout son jeu. »
« Une jeune fille trop extravertie n’est pas une jeune femme respectable aux yeux des gens ».
« Mieux vaut écouter et juger intérieurement, et établir un argumentaire soigné plutôt que s’enflammer dans un discours qui ne résoudra rien et rajoutera au contraire de l’huile sur le feu. La voie de la diplomatie est toujours la meilleure ».Et la liste n’était pas exhaustive. Ecouter ce genre de discours tous les jours pouvait paraitre tout bonnement harassant ,mais après tout on disait de sa mère qu’elle était une femme exemplaire, et Eustorgie n’était pas contre l’idée de se faire qualifier ainsi à son tour si cela lui permettait d’avoir un plus large panel de prétendants-autant prêter l'oreille se disait elle, car quitte à devoir supporter à vie un homme et lui donner des enfants, autant pouvoir en choisir un qui ne soit pas totalement détestable- .
Mais revenons en à ce cousin qui en ce jour de l’an de grâce 1136 était le héros de la journée : Bernard Pelet était de l’avis d’Eustorgie le pire égocentrique qu’ait porté le Languedoc. Mais ce n'était malheureusement pas là son seul défaut: en toute occasion un flot illimité de paroles sortaient de sa bouche en un temps record, pour résumer la chose de façon plus franche, il parlait comme l’âne pète! Et d’ailleurs, plus pour se vanter que pour apporter sa pierre à l’édifice ce qui n'arrangeait rien à son cas. Ce seul aspect du personnage amenait Eustorgie à remercier le Très Haut de ne pas être l’infortunée épouse de celui-ci.
Ce cher Cousin Bernard avait aujourd'hui amené avec lui toute sa joyeuse compagnie, elle aurait donc à le supporter, lui et toute sa clique, toute la journée durant et sans doute même pour plusieurs jours. On avait en tout cas mis les petits plats dans les grands pour accueillir l’infâme cousin. Les planches sur tréteaux installés en forme de U avaient été installés dans la grand’ salle et recouvertes d’un doublier rouge et d’une longière sur laquelle les invités pourraient s’essuyer la bouche en toute quiétude. Les cuisiniers s’étaient affairés pendant plusieurs jours pour préparer un repas pantagruélique à même de combler la faim de tous ces invités - ou plus probablement tout le Languedoc !- .
Tenez, on en était encore au diner qui n’en finissait plus. Les services se succédaient, les heures défilaient. On finissait tout juste les pâtés et saucisses, les plats de potages d’herbe fraiche et de pois cassés venaient quant à eux de faire leur apparition devant les convives. Et dire qu’il restait encore les rôts et tout ce qui s’ensuivait, elle en avait un haut le coeur en y pensant ! Et les échansons qui n’en finissaient plus de resservir tout ce beau monde de vin. Heureusement qu’il était coupé d’eau, sinon la belle assemblée aurait été dans un piteux état !Elle même n’y avait pas droit, sa mère ayant décrété que cela gâtait les dents… pourtant cela ne semblait pas gêner tous ces augustes seigneurs qui s’en délectaient. Injustice flagrante !
Placée à la table centrale qui dominait la Grand Salle en compagnie de ses parents, des deux jeunes mariés et des plus proches parents de ceux-ci, Eustorgie avait eu le malheur de se retrouver assise aux côtés du frère de la mariée, un jeune homme qui ne cessait de la fixer de ses deux petits yeux sournois, tout cela sans piper mot. De l'avis de la demoiselle, il ressemblait à une fouine avec son air pernicieux et son long visage, bref, elle se serait bien passée de sa compagnie! Mais c’était un invité d’honneur et les bonnes manières l’obligeaient à rester silencieuse et à subir tout ceci sans broncher. Rien par contre ne l’obligeait à rester assise à côté de lui , elle pouvait très bien avoir une raison valable pour s’absenter de table, et elle profita de cette possibilité ;après avoir chuchoté quelques mots au creux de l’oreille de sa mère , elle s’éclipsa donc.
Elle déambula quelques minutes dans la cour du château mais cet intermède fut bien vite interrompu- du moins trop vite à son goût- lorsqu’elle tomba nez à nez avec sa mère qui voyant les minutes passer avait manifestement compris le manège de sa fille qui n’était certainement pas partie aux latrines comme elle le lui avait annoncé.
« Je conçois tout à fait que le jeune Eudes ne soit pas – comment dire ça avec délicatesse…- …le voisin idéal mais souvenez vous de ce que je vous ai dit. Quelle que soit l’épreuve qui se présente à vous, il vous faut la supporter avec dignité. Il ne sert à rien de fuir ! Maintenant empressez vous de retourner à votre place. Mais avant cela, corrigez moi cette posture où l’on vous prendra pour une bossue.»Sans soupirer mais n’en pensant pas moins, la jeune fille s’exécuta.
« Et fier le port de tête, fier ! Vous n’êtes pas une ribaude mais une d’Anduze. »Merci de l’information, aurait voulu rétorquer avec sarcasme la jeune fille. Au lieu de cela elle s’attacha à obtenir l’aval maternel . Elle préférait éviter d’avoir à recommencer le périlleux exercice du porter de sac de sable sur la tête, la dernière fois qu’elle avait subi cette torture, elle avait ensuite eu un torticolis qui avait duré plusieurs jours.
Une fois un sourire arraché à sa mère - qui s'amusait manifestement de la mauvaise volonté de sa fille- elle retourna sans hâte dans la grand salle pour regagner sa place.
Ce faisant elle passa un instant devant l’heureux marié et put saisir des bribes du discours que celui-ci tenait à la personne qui avait eu le malheur de se déplacer pour venir lui adresser ses félicitations en personne :
« (…)croisade. ( …..)Prouver ma vaillance.(…..) Mon père(……) »Si peu de mots et déjà si exaspérant. Eustorgie roula les yeux. Il n’avait décidément aucune personnalité, il fallait toujours qu’il se mette en valeur à travers son père, l’extraordinaire Raymond Pelet. C’était simple ! Il voulait tout faire comme lui.
Lorsqu’un jongleur apparut devant les tables, elle décrocha enfin un sourire. Il y avait parfois des avantages à voir un ennuyeux cousin réapparaitre. Elle espérait seulement qu’on allait interpréter une chanson pleine de poésie, peut être aurait elle la chance d’entendre de nouveau Mout jauzens me prenc en amar ou encore Ab la dolchor del temps novel. Elle pouvait encore en réciter des strophes et des strophes :
« Si, bien, ma dame veut me donner son amour, je l'accepte. A lui, En savoir gé, prêt je suis ;À la courtiser, à parler. De façon à plaire, j'apprécie
Son mérite à ne pas se louer ; Je n'oserai pas lui l'envoyer, J'ai peur qu'elle irrite par autrui,Elle m'aime? Je crains de faillir ;L'amour fait choisir, parce qu'elle sait Qù est le meilleur de mes traits Avec mes ordres à me guérir. (..) » Mais enfin, avec les œuvres du duc Guillaume , répertoire favori des jongleurs, on ne pouvait jamais savoir sur quoi on allait tomber. A côté de Mout janzens me prenc en amar, on pouvait tout aussi bien avoir à entendre une de ces compositions osées et érotiques dans laquelle il comparait les femmes à des chevaux et demandait à ses compagnons laquelle il devait monter . Charmant de grivoiserie!
En fin de compte, le jongleur se dirigea vers un tout autre genre puisque ce fut une chanson de croisade , exaltant les exploits en terre sainte de nul autre que Raymond Pelet, qu'il interpréta. Tiens donc ! Comme c’était original !Ce devait être une demande spéciale du marié pour rappeler à tous sa prestigieuse ascendance, on aurait du s'y attendre venant de sa part!Fantastique! Et maintenant elle allait pouvoir entendre pour la énième fois l’histoire de ce dernier qui en ce jour béni de l’an de grâce 1099 avait réussi aux côtés de Raymond de Turennes à arracher la ville de Tortosa aux mains des Maures avec une poignée d’hommes – tout de même 300, ce qui aux yeux de la jeune fille n’était pas quantité négligeable- , en allumant pendant la nuit de nombreux feux pour faire croire à leur supériorité numérique. Un ingénieux stratagème qui avait amené les défenseurs de la ville à prendre la poudre d’escampette-Il était presqu’étonnant qu’un individu aussi intelligent que ce croisé ait pu mettre au monde un imbécile comme Bernard !-.
Après cela on aurait évidemment droit au récit du siège de Jérusalem à travers lequel on vanterait les mérites de Raymond Pelet qui par sa bravoure et avec seulement 50 cavaliers alla en découdre avec quelques centaines d’infidèles près du port de Jaffa pour permettre aux Génois de débarquer plus loin pour venir porter secours aux croisés. A la fin de tout ceci, Bernard s’attendrait sûrement à ce que l’assemblée prononce en cœur « Saint Raymond, priez pour nous, amen ».
Seigneur, que la journée allait être longue!
OHHHH un des stupides êtres qui étaient venus avec son cousin - car oui il faut croire qu'une vague d'épidémie entraine souvent dans son cortège toute sorte de maux pire encore - avaient en plus le culot de se moquer d'elle, à seulement quelques places de la sienne. Elle l'avait vu la regarder avant de donner un coup de coude à son voisin tout en indiquant de la tête sa direction avant de faire une grimace - imitant sans doute la moue qu'elle affichait sur son visage-.Il s'était ensuite esclaffé avec un rire de cochon. Le sang d'Eustorgie ne fit qu'un tour à la ve de cet ignomieux spectacle. Celui là aurait mérité de connaitre la même fin que cet animal, tiens! Son voisin trouva en revanche grâce à ses yeux, il avait eu la décence de ne pas rire d'elle et lui avait seulement adressé un sourire, comme pour s'excuser du manque de manière de son compagnon. Et puis.. il fallait avouer qu'il n'était absolument pas désagréable à regarder.La jeune fille se sentit soudain rougir et détourna bien vite les yeux. Il n'aurait pas fallu qu'il la prenne pour une petite sotte qui se laisse guider par ses hormones.
Mais maintenant qu'elle y pensait, Eudes avait peut être son utilité...Un sourire aimable plaqué sur son visage, elle lui accorda enfin un peu de son attention et lui demanda avec une voix innocente - du moins elle l'espérait-:
" Dites moi, est ce que par hasard vous connaitriez cet homme là bas, à approximativement 4 écuelles de nous, sur le côté droit "A voir la direction dans laquelle il regardait, le dit Eudes ne connaissait pas très bien sa gauche et sa droite. Il allait falloir lui donner plus de détails.
" Non! De l'autre côté, avec ce bliaud en soie rouge bordé de fourrure de vair. Celui qui a des cheveux brun coupés court."Un instant, elle eut la nette impression qu'Eudes la regardait comme si elle était atteinte de démence.. Il faut dire qu'on était dans le Sud de la France, et la table comportant une majorité d'hommes à la chevelure d'ébène , littéralement dorés comme des pruneaux, ce dernier indice n'était pas vraiment d'une grande aide. Mais il finit tout de même par repérer la personne qu'elle lui désignait, et d'une voix nasillarde vint satisfaire sa curiosité:
" Il me semble que c'est le fils du deuxième Raymond. Celui de la chanson qu'est en train de nous interpréter ce jongleur."Mais encore! Manifestement, Eudes -si dérangeant que puisse être son regard et si laid soit il - n'était pas pour autant arriéré et remarqua bien vite qu'elle n'y voyait pas plus clair.
" Raymond de Turennes. Il a combattu à Tortosa et lors du siège de Jérusalem avec Pelet. On m'a dit qu'ils avaient par la suite forgé une amitié indéfectible. Il est donc naturel que son Boson fasse partie de l'entourage de votre cousin. Mais pourquoi une telle question?"Boson? Et bien si il avait la chance d'être beau garçon, il portait en revanche un prénom très laid.
Mais que disait donc Eudes?!Pourquoi demander cela?Oh zut. Voilà que son informateur faisait preuve d'une curiosité déplacée. Vite, il fallait trouver une réponse convaincante:
" Oh. Je trouvais seulement qu'il avait de biens beaux habits. Il a dû importer cette soie d'Espagne, elle semble de remarquable qualité."La réponse sembla satisfaire le fouineur. Après tout, c'était là un penchant tout à fait féminin que de discourir en long, en large et en travers sur les costumes des gens.
" Il peut bien s'habiller comme un prince!! C'est un Comborn! Cette famille possède la plus grande partie du Quercy, ils vivent comme des souverains, battant monnaie, levant les impôts. D'une certaine manière, un Comborn vaut bien un comte de Toulouse, l'influence en moins.Je suis étonné qu'on ne lui ait pas encore passé la corde au coup."Beau, riche, disponible...Oh! Et puis après tout qu'était ce qu'un nom! S'appeler Boson était un bien petit défaut, non?!
La demoiselle devenue songeuse, le reste du diner passa par la suite étrangement vite . Malheureusement pour elle, l'objet de ses attentions ne lui accorda pas un coup d'oeil de plus, après tout, à ses yeux la fille du seigneur d'Anduze n'était qu'une gamine.. boudeuse qui plus est si l'on en jugeait par la tête qu'elle avait fait tout le repas durant.
Il faut dire que Boson de Turennes avait 10 ans de plus qu'elle aussi n'est il pas étonnant de constater que lorsque son acolyte de table lui fit par la suite remarquer que la demoiselle à la trise mine n'avait pas arrêté de le fixer, il se contenta de lui dire de la laisser en paix
-après tout, elle ne devait même pas avoir ses menstrues- .
Résidence des comtes de Toulouse 1140 "Hâtez vous, Bertrand va bientôt entrer en lice!"
Cet empressement à rejoindre les tribunes fit ricaner Eustorgie qui avait bien vu la façon dont les joues de son amie rougissaient à chaque fois qu'elle croisait son frère.
Très franchement, elle ne comprenait pas ce qu'Alais pouvait bien lui trouver. Son ainé était certes bien fait de sa personne, jovial de nature et de bonne disposition mais la liste de ses qualités s'arrêtaient là. Il ne fallait pas s'attendre à avoir une discussion sérieuse avec lui. Evidemment son point de vue était certainement biaisé. Après tout c'était son frère et quand il ne s'entrainait pas en compagnie d'autres jeunes gens , ne cajolaient pas ses faucons préférés et ne couraient pas les tournois, il se faisait surtout une joie de la faire rager, tandis qu'il se faisait tout sucre, tout miel avec les autres jeunes filles.
Regarder son propre frère faire joujou avec une lance n'était pas vraiment son passe temps favori, d'autant qu'il n'était pas vraiment brillant en la matière. Ce n'était qu'à la mêlée, une épreuve bien moins plaisante et impressionnante, qu'il pourrait faire ses preuves. En attendant il allait sûrement falloir s'attendre à le voir chuter lourdement sur la terre devant tout un parterre de gens. Eustorgie espérait seulement qu'il s'en sortirait sans trop de séquelles, car malgré tout ce qu'elle pouvait penser à son sujet, elle avait de l'affection pour lui. Les d'Anduze formait une tribu soudée et quoiqu'il arrive ils faisaient front face au reste du monde.
Turennes, 11431147 Gourdon Mai 1150??