Halte-là, voyageur ! Dis-nous donc qui est ton maître, et les raisons qui t’ont poussé à lui prêter allégeance ! Est-ce par conviction, par intérêt, par obligation ? Mon allégeance va avant tout à dame Aliénor, duchesse d'Aquitaine et reine de France, mais je ne puis vous cacher que je m'intéresse fort peu à la politique : si je suis fidèle à la maison d'Aquitaine, c'est parce que je viens de Lusignan, en Aquitaine, et qu'Aliénor est ma suzeraine, tout simplement. Il ne donc faut y voir là aucun calcul, aucune recherche d'un intérêt particulier - ce serait d'ailleurs plutôt le contraire puisque l'allégeance de mon époux Etienne va au roi Louis, et que ceci a tendance à complexifier notre situation qui n'est déjà pas simple...
Si une guerre venait à éclater entre l’Aquitaine, la France, la Normandie et l’Angleterre, que ferais-tu ? Prendrais-tu part au combat ? De quel côté ? Ou bien resterais-tu à l’écart ? Ce qui est certain, c’est que je serais bien embêtée. Dame Aliénor est ma suzeraine, et mon frère Hugues se battrait bien sûr dans le camp des Aquitains, mais d’un autre côté, l’allégeance de mon époux va au roi Louis… Je préfèrerais que les intérêts du royaume de France et du duché d'Aquitaine continuent à concorder pour que je n'ai pas à me préoccuper de pareilles choses. Dans tous les cas, si cela devait arriver, je ne prendrais pas part aux combats, naturellement, puisque ce n’est pas là la place d’une dame, mais s'il fallait vraiment choisir je serais sans doute pour la forme du côté de l’Aquitaine comme le reste de ma famille.  Quoique je serais de toute façon bien loin de ces considérations : j’ai trop de problème à régler pour ma situation personnelle pour l’instant avant de me soucier d'affaires politiques...
Toutes ces alliances, ces mariages… Qu’en penses-tu ? Servent-ils tes intérêts ? Ou chercherais-tu à les rompre ? A mon sens, tout cela, ce sont des affaires d'hommes. On m'a toujours enseigné que c'étaient à eux de trouver les meilleurs partis possibles pour les femmes de leur famille, les alliances qui serviraient le mieux leur clan, et qu'il fallait respecter leur choix. Il est vrai que je ne m'en suis pas vraiment tenu à cela... de toute façon je ne suis pas sûre qu'Hugues envisageait réellement de me trouver un époux, et de toute façon c'est trop tard à présent, Etienne et moi nous sommes unis devant Dieu sans que nos familles soient au courant. Je crois d'ailleurs que de son côté cela a brisé une alliance prévue entre sa famille et celle de Beaugency. Tant pis. J'espère seulement que cela ne nous causera pas trop d'ennuis...
Enfin, dis-nous un peu : plutôt bal ou plutôt tournoi ? Plutôt guerre ou plutôt paix ? Plutôt amour courtois ou plutôt croisade ? Les bals comme les tournois me paraissent d’exquises distractions : lors de ces deux manifestations les demoiselles ont l'occasion de se montrer dans leurs belles toilettes et de côtoyer les jeunes hommes, que ce soit le temps d'une danse ou pour les voir se battre pour leurs beaux yeux. J'apprécie donc tout autant l'un que l'autre. Je préfère largement la paix à la guerre : les divertissements y sont plus nombreux, les conflits sont moins apparents, l'on n'est pas forcé de rester chacun dans son camp, surtout lorsque, comme moi, on n'a que faire de ces guerres dont on ne comprend pas toujours la portée. Et puis, il faut bien avouer que les batailles ne sont que des occasions de tournoi ratées, des démonstrations de forces durant lesquelles de vaillants jeunes hommes laissent la vie sans que personne n'ait pu profiter du spectacle. Il en va de même pour la croisade. Je déteste l'idée de tous ces gens partant si loin, désertant la cour pour s'en aller combattre les infidèles, pour reprendre des territoires que nous n'avons jamais vu et que nous ne verrons jamais : c'est pourquoi je suis bien plus partisane de l'amour courtois. Les vers des troubadours sont toujours tellement agréables à entendre pour les jeunes demoiselles...