Premier souvenir,
Dernier souvenir.
Tout ne fait qu'un,
Tout n'est que mort.
Que tout se mélange ...
Que tout semble étrange …

Les premiers souvenirs… Beaucoup les chérissent. Ils sont les précieux reflets d’un monde emplis de candeur et de simplicité. Lorsqu’on est encore un petit garçon, le monde nous échappe. On veut le découvrir car on sait que chaque seconde réserve une surprise. Pourtant, la réalité est loin d’être aussi douce, en particulier chez les plus modestes. Les tragédies arrivent, sont incomprises mais marquent pourtant au plus profond de l’être.

La famille Martin, composée de Maeve, une mère douce et attentionnée, Ewan un père honnête et travailleur et leur deux fils Manech et Alan, appartient de cette fraternité des gens simples et modestes. Le couple habite depuis cinq années dans une chaumière au sein d’un village proche de la ville de Nantes, construite et aménagée par les soins de l’heureux couple. La vie pour cette famille était rude mais conviviale. Il s’avaient appris à savourer les joies quotidiennes de la vie de famille. La prospérité s’était installée malgré la précarité de leur situation. Le travail difficile entre les culture et l’élevage ne rapportait malheureusement pas toujours assez pour subvenir aux besoins de tous, en particulier lorsque Maeve se retrouva enceinte de son troisième enfant.

De cette période, Manech ne se souvient que d’une bien triste nuit. Des pleurs secouaient la maigre Maeve qui serrait contre sa poitrine son second fils. Depuis trois jours, la fièvre s’était emparée de l’enfant à peine âgé d’une année. La fraicheur de la nuit l’avait emporté… Comment aurait-il pu lutter face à la maladie alors qu’il ne mangeait déjà pas à sa faim ? Tous s’étaient attendus à cette fin pour le nourrisson, pourtant Manech âgé de trois ans lors de ce drame ne l’avait pas imaginé une seconde. La vision du visage inanimé de son frère ajouté aux pleurs et à l’agitation qui secouaient la maisonnée sont les plus anciennes images dont il se souvienne tant elles l’ont marqué. Il ne comprenait pas se qu’il se passait autour de lui, il savait seulement au fond de lui que quelque chose de grave se déroulait. Personne ne faisait attention à lui, il était perdu dans un lieu pourtant si familier… La réalité lui échappait, cela le protégea sans doute du chagrin. Ses parents en revanche eurent des difficultés à surmonter cette étape. Ewan garda depuis ce jour un visage dur et inexpressif, se renfermant sur lui-même. Maeve quand à elle se tourna vers la religion pour cheminer vers l’acceptation de la réalité et faire son deuil. Bien que cela arrive à beaucoup, perdre son enfant est toujours un évènement traumatisant pour une famille.

La troisième grossesse de Meave qui survint quelques mois plus tard permit étonnamment au couple de se fortifier. Les tristes souvenir allaient laisser place à la joie des gazouillis de nouveau-né. Pourtant lorsque le sort s’acharne, il est difficile de garder espoir. Alors qu’elle se rendait en ville, la future mère chuta de sa monture. Le soir même, des contractions arrivèrent alors qu’elle encore à un mois du terme de sa grossesse. Malgré tous les effort de la sage femme appelée en urgence, l’enfant ne survit pas. Il était décédé avant d’avoir aperçu la lumière du jour. Pourtant, ce n’est pas cela qui inquiéta le plus la professionnelle mais bien l’état de santé de Maeve qui était critique. Elle avait perdu beaucoup de sang. Pour le plus grand soulagement de tous, l’hémorragie se calma mais la jeune femme mit des mois à se remettre. La santé toujours fragile, elle retournais aux taches domestiques et à l’éducation de son fils. Ce lien avec Manech lui permit de passer outre les deux drames successifs. Elle compensa sa tristesse en se dévouant corps et ame à son enfant encore en vie. Il était constamment au centre de ses préoccupations. Elle ne vivait plus que pour le voir jouer, manger, respirer. Ce fragile équilibre perdura tant bien que mal jusqu’à la naissance d’Ain, sa première fille lui permit de retrouver définitivement le sourire. Manech âgé seulement de 5 ans remarqua le changement de comportement de sa mère. Il pouvait observer le bonheur qui emplissait son visage lorsqu’elle s’occupait du nourrisson. L’enfant se promit à lui-même qu’il ferait tout ce qui lui était possible pour que plus rien ne change. Il protégerait sa sœur coute que coute, elle n’avait pas le droit de s’échapper comme les autres. Jamais il ne la quitterait des yeux car de sa survie dépendait le bonheur de sa mère. Des la seconde où il posa son regard sur la petite fille, il su que leur avenir étaient interdépendant. Manech venait de mettre pour la première fois les pieds dans le monde réel.

La suite de son enfance fut de nouveau assombrie par les trois grossesses suivantes de Maeve dont deux s’achevèrent par des fausses couches et une par décès inexpliqué du nourrisson seulement deux mois après l’accouchement. Pourtant le chagrin ne semblait plus toucher la mère qui avait trouvé la sérénité auprès de Dieu. Un regard vers ses deux enfants jouant ensemble dans la cour lui suffisait à oublier les tracas. S’occuper de son fils et de sa fille lui permettait de supporter la douleur. Ewan quand à lui était plus touché par leur malheurs qu’il ne le laissait paraitre. Il devait se montrer fort pour soutenir sa famille mais n’oubliait pas pour autant. La vie éreintante qu’il menait pour tenter de subvenir tant bien que mal aux besoins de tous l’aidait à ne pas penser à la dure réalité. La fatigue physique aide à trouver le sommeil malgré les préoccupations.

Pendant près de dix ans, la famille Martin connu donc la misère, la famine et la mort. Pourtant, aucun d’eux ne s’avouèrent vaincus par le désespoir. Etant le seul garçon, Manech fut contrait d’aider très jeune son père la journée dans les travaux quotidiens. Il appris vite à nourrir les animaux, faucher les champs de blés à la fin de l’été, préparer le chaume, labourer la terre, planter les semis… Le travail ne l’effrayait pas. Il était appliqué dans son ouvrage et ne se plaignait jamais. Il faut bien avouer qu’il préférait ça à l’inaction. En se serrant les coudes avec sa sœur, il se raccrochait à l’idée insensée qu’un avenir meilleurs les attendait s’il se donnait les moyens pour le créer. Déjà l’ambition d’une autre vie grandissait petit à petit dans son esprit.

Années 1146 – 1147

La cavale commença pour les deux fuyards. Les quelques pièces qu’ils avaient sur eux s’envolèrent bien vite alors qu’ils prenaient la direction de la Normandie sur une idée d’Ain. La jeune femme avait toujours eu la tête sur les épaules. Elle n’avait pas eu le temps de longuement réfléchi à la suite des évènements avant de s’aventurer sur les routes au côté de son frère. Cependant elle avait affirmé avec beaucoup d’aplomb que leur destination était idéale pour échapper à d’éventuels poursuivants. Manech s’était fié à son instinct féminin qui faisait si souvent mouche sans la moindre hésitation. Ne venait-elle pas de lui sauver la vie ? Maintenant la moindre des choses qu’il pouvait faire était e l’écouter.

Après un peu moins d’un mois de chevauché sans lendemain, Manceh pris la décision de prendre la suite des événements en main. Il éprouvait tant de remord d’avoir embarqué sa sœur dans cette aventure bien trop dangereuse. Ain était si courageuse, pas une plainte ne lui échappait malgré la précarité de leur situation. Et cela était son entière faute ! Elle méritait beaucoup plus que de traverser foret et prairies dans la crainte d’être poursuivie. La jeune femme avait toujours été le seul soutien qu’il avait eu pendant leur jeunesse. Le sentiment de trahison envers elle se faisait de plus en plus grand chaque jour que se prolongeait leur cavale. La seule solution pour qu’il obtienne de quoi lui fournir un train de vie décent était de se trouver un emploi. Pourtant malgré toute sa bonne volonté, cela n’était pas possible avec l’épée de Damoclès au dessus de sa tête. Du jour au lendemain, les hommes au service du seigneur lui tenant rancune pouvaient le reconnaitre. La seule possibilité qu’il trouva fut de s’engager en tant que soldat. L’armée d’un jeune seigneur aux ambitions grandioses, Henri Plantagenet recrutait dans la région. C’était l’aubaine qu’il n’espérait plus, l’occasion de se forger une nouvelle vie pour lui et sa chère sœur. Le jeune homme ne pouvait imaginer que ce choix sous contrainte était la meilleure décision qu’il avait prise depuis bien des années.

En effet, au cours des entrainements intensifs en vue de la campagne à venir Manech s’avéra une recrue plutôt doué une épée à la main. Les corvées de la ferme familiale et les travaux aux champs qu’il réalisait depuis son enfance l’avaient endurci physiquement. Il ne lui manquait que la technique dont il acquerra rapidement les bases fondamentales. Quelques mois de formation et le jeune homme était devenu un soldat tout à fait correct et au comportement exemplaire. Il se défendait bien lors des entrainements à l’épée, montait tout juste correctement et restait un archer déplorable malgré l’exercice. Sa place fut vie trouvée par ses instructeurs, il ferait parti de l’infanterie.

La solde qu’il obtenait à chaque fin de mois était entièrement versée à sa sœur afin que celle-ci puise mener une vie convenable. De plus, il lui faudrait bien avoir une petit dote si elle voulait trouver un époux un jour… Bien que cette faible participation financière ne diminuait pas la peine qu’il avait de faire subir toute ces difficultés à sa sœur, il tachait de combler ses besoins de son mieux. Ain n’était pas exigeante mais il se faisait un devoir de prendre soin d’elle. L’adolescente avait tout abandonner pour le sauver, maintenant il devait participer à la création de son avenir. Bien vite leur situation devient stable. Pourtant Ain ne pouvait approuver le choix de son frère craignant de le perdre lors de la campagne qui se préparait.

Le jour qu’elle redoutait arriva au début de l’année 1147. Les soldats d’Henri Plantagenêt prirent la mer pour se rendre en Angleterre. Manech ne connaissait pas exactement les raisons qui poussaient son nouveau suzerain à prendre les armes. Peut lui importait tant qu’il avait sa solde pour l’envoyer à Ain. Les intrigues politique ne concernaient pas les modestes soldats. Il se contentait d’exécuter les ordres donnés par ses supérieurs.

Sur le champ de bataille, Manech fit bonne impression aux officiers. Il était calme même lors des situations les plus tendues, son assurance réconfortait les autres recrues. Malgré les défaites subites par l’armée face à Etienne de Blois, il ne doutait pas une seconde de sa bonne étoile. Le jeune homme puisait cette sérénité de la pensée qu’il n’avait pas le droit d’abandonner sa sœur. Il devait revenir de cette campagne, un point c’est tout. Aucun ennemis qui s’approcherait de lui ne pourrait l’empêcher de prendre un bateau pour regagner la Normandie. Obstiné, il ne reculait pas d’un pouce lorsqu’on lui demandait de tenir une position. Ce sang froid à toute épreuve alors qu’il n’avait pas la moindre expérience militaire commença à faire parler ses frères d’armes et remonta même jusqu’aux oreilles d’Henri Plantagenêt en personne.

Psychologiquement, Manech revint marqué par la campagne, comme la grande majorité des autres soldats. Il avait vu des atrocités et en avait lui-même commises. C’était le lot de la guerre… Les morts et les blessés font partis de ce jeu cruel. Il parvenait tout de même à oublier le sang versé lorsque la nuit tombait, bercé par l’idée que sa sœur menait une vie convenable grâce à son engagement. Cependant il n’oublia pas le visage du premier homme à qui il ôta la vie, encore aujourd’hui il est capable de décrire ses traits empli d’incompréhension et tirés de douleur. Etrangement, cette expérience le rapprocha quelque peu de la religion. Dans sa jeunesse il n’avait jamais été un des plus fervent défenseur de la foi chrétienne. Savoir que l’on peut tomber et ne jamais se relever au prochain assaut ennemis vous change. Tuer des hommes vous change…

La notoriété que Manech s’était attirée lors de sa première campagne lui apporta quelques bénéfices. Satisfait de ses services, Henri Plantagenêt lui offrit un place d’aide forgeron une fois de retour en Normandie. Une nouvelle vie lui était offerte. Il n’appartient plus qu’à lui de ne pas la gâcher. Echelon par échelon, il grimperait ! Pour Ain…