1142 

Le petit garçon se tenait bien droit, devant le bureau de son père. Ses lourdes boucles brunes lui tombaient devant les yeux, ce qui avait le don d'agacer sa mère quand elle se trouvait encore avec lui en Anjou.
Âgé d'à peine huit ans, Geoffroy n'avait jamais quitté la demeure familiale , et c'était son père qui l'éduquait depuis sa plus tendre enfance. Il avait déjà le maintien d'un petit lord , et un air sérieux ne le quittait pas quand il demanda "Où se trouve mère ?". Une mère qui n'en avait que le nom, qui préférait passer son temps à la guerre plutôt qu'avec ses deux derniers fils... Parce que oui, il y avait un petit privilégié : Henri, son aîné d'un an. Et Geoffroy le détestait déjà, sans même le connaître vraiment.
Son père affichait un air anxieux , et tenait une missive à la main. Il tenait à avoir son fils auprès de lui pour régler les affaires familiales. "Votre mère est dans une situation délicate à Oxford. Etienne de Blois a mis le siège..." Il se leva soudainement de son fauteuil et tourna un regard vers la fenêtre. Son père réfléchissait, et il ne valait mieux pas le déranger dans ce genre de moment. Les deux Geoffroy était des personnages silencieux, calme, mais réfléchis, qui se comprenait sans mot dire... Les mêmes pour ainsi dire. "Cependant, je ne doutes pas que votre mère sortira de cette situation sans bien de difficulté. Ne vous inquiétez pas Geoffroy, nous devrions bientôt la revoir." La revoir, c'était bien beau... Il aurait bien évidemment préféré que se "mère" se soucie de lui autant qu'elle se souciait d'Henri. Lui avait le droit à toute son attention , et il ne le supportait pas.
A huit ans, on avait commencé à lui apprendre l'art de manier l'épée, mais Geoffroy préférait de loin les activités intellectuelles , et montrait un goût inné pour l'administratif ,mais aussi la diplomatie. Quelque rare fois, ils avaient eu l'occasion de voir son frère aîné, le petit roi. C'était crispé qu'il l'accueillait et avec froideur. Sa mère regroupaient les trois fils pour des leçons de stratégies et de combats... Et Geoffroy redoutait celles-ci sachant pertinemment que c'est son frère qui allait le vaincre , et que sa mère chanterait son éloge. Henri était le fils de la lumière, Geoffroy celui de l'ombre.... Et cela resterait ainsi.

1147
Geoffroy, 13 ans, tournait dans sa chambre avec énervement. Le nom de Henri était sur toutes les bouches à la cour de Normandie... L'adolescent balança un vase au sol dans un mouvement de colère. Il avait PERDU ! Comment pouvait-on encore l'honorer s'il avait été défait sur le champs de bataille ? Beaucoup jugeait son acte comme du courage, Geoffroy lui, trouvait cet acte stupide... Même si la mort de son frère lui aurait probablement permis de sortir enfin de l'ombre. 
Mais s'exposer ainsi, sur un champ de bataille, alors qu'il n'avait aucune expérience du sang... Le jeune homme enrageait littéralement, mais faisait bonne figure face à son père. Quand aurait-il droit LUI à son premier combat ?  
Il faisait bonne figure en public, montrant un visage serein , et recevant les éloges qu'on lui faisait sur son frère sans broncher. En réalité, il leur aurait tous volontiers couper la langue si une cour de muet ne l'effrayait pas tant... 
Même son jeune frère Guillaume l'abandonnait pour faire les louanges d'Henri... Lui pourtant d'un naturel calme n'avait pu retenir la gifle qui avait envoyé son frère au sol.
Tout ce qu'il demandait c'était un peu de reconnaissance de la part de sa mère, cependant il pouvait se réconforter, car son père lui avait offert toute sa confiance.

Son premier combat, Geoffroy le livra en Anjou à l'âge de 15 ans , sur la terre qui l'avait vu grandir et devenir un vrai Plantagenêt. Physiquement, son frère et lui était aussi dissemblable qu'au niveau psychologique. Lui était brun bouclés avec des yeux aussi sombre que son esprit...
Avec son père, ils avaient repoussé les armées Anglaises qui tentait de les envahir, en montant des stratégies plus ingénieuses les une que les autres. Geoffroy était un stratège plus qu'un homme d'épée...
Le patriarche lui avait fait part de ses projets de lui offrir l'Anjou et le Maine à sa mort, Henri devant posséder tout le reste...
Geoffroy protégerait ses futures terres en tant que futur suzerain. Et il ne manquait pas de ressources...

1151

Geoffroy V d'Anjou venait de rendre son dernier soupir... La fratrie entière se trouvait dans le bureau du défunt pour la lecture testamentaire. C'était un jour glorieux pour Geoffroy qui devait enfin recevoir ses terres d'Anjou et du Maine. Si la mort de son père l'avait attristé, il n'en montrait rien, et c'est avec un visage qui ne laissait transparaître aucune de ses émotions.
Geoffroy était un beau jeune homme, dans le genre sombre au contraire de son frère qui était plus du genre flamboyant. Il savait se montrer tout à fait charmant, même avec les personnes pour lesquelles il avait une profonde aversion. Certain pouvait juger son comportement d'hypocrite, mais dans ce monde si on ne cachait pas ses véritables sentiments on ne pouvait rien obtenir.
Son esprit erra quelques instants vers la servante de sa mère... Ain. Une jolie brune qu'il l'avait immédiatement conquis avec son petit air angélique, depuis déjà quelque temps il la désir et quand il le peut lui lance des regards explicite. Et il est persuadé qu'elle ne lui est pas indifférente...

Le moment tant attendu arriva. Mais il ne s'attendait pas à un tel retournement de situation... Geoffroy ne recevrait pour le moment que les châteaux de Chinon, Loudun et Mirabeau, le Maine et l'Anjou il ne les recevrait que quand son frère aurait pris l'Angleterre. 
On lui remit également une lettre cacheté de la main de son père. Le jeune homme l'ouvrit précipitamment : son père lui expliqua la situation : son frère avait catégoriquement refusé le lui laisser l'Anjou et le Maine... Geoffroy V avait tout de même réussit à le convaincre de les lui laisser, mais Henri avait donné une condition : il obtiendrait ses terres le jour où il aurait pris l'Angleterre...
Comment avait-il put lui faire cela ! C'était une véritable trahison ! Il serra le poing sur la lettre avant de quitter la pièce d'un pas furieux et non pas sans jeter un regard froid à son frère...
Son propre frère l'avait trahi... Jamais il ne pourrait lui pardonner ! Il lui avait gâcher son enfance, et voilà maintenant qu'il voulait aussi lui gâcher la vie... Il ne le laisserait pas faire. C'était son tour désormais. A son tour de briller et il évincerait son frère , coûte que coûte !
Il devait rencontrer Eustorgie quelques semaines plus tard, une femme qui avait plusieurs années de plus que lui. Ils partagent tout deux une certaine rancoeur et feront tout pour se soutenir. Ils passèrent des après-midi entière à se promener et à ruminer leur haine contre ceux qui leurs sont le plus proche... Ont pourrait dire qu'ils sont amis, bien que leur relation soit plus basée sur l'intérêt qu'autre chose. Ils se vengeront tout les deux et tout les deux ils rejoindraient l'enfer si il le fallaient...