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 Sybille de Déols

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Sybille de Déols

Sybille de Déols

Per aspera
AD ASTRA


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MessageSujet: Sybille de Déols    Sybille de Déols  EmptyMar 11 Déc - 0:36

Sybille de Déols  a  dit:
Sybille de Déols

« Pour connaître un mortel, donne-lui du pouvoir. »


Je m'appelle Sybille, dame de Déols et de Châteauroux et suis née en 1130 - je suis donc âgée de 21 ans - à Amboise, je suis donc Française de naissance, Aquitaine depuis mon mariage. Pour de nombreuses raisons que je vous exposerai plus tard, je suis fidèle à moi-même ; et que mon époux l’ait été à Louis VII et surtout son épouse n’y change rien. Pour ce qui est de mes sentiments, bien que je n'aime pas en parler ainsi, je suis veuve, mère, et peu disposée à entendre parler de sentiments. Mon visage? Il s'agit d’Imogen Poots trouvé sur TUMBLR
Derrière l'écran il y a Marie, j'ai 19 ans, je fais des études de folle suicidaire, c’est à dire une bilicence histoire - science politique en L2. J'ai connu le forum via un petit lutin en habit de Père Noël qui se baladait sur le net, et je pense qu'il est badly awesome, mais d'après moi il y manque un peu de pep’s au design qui tue un peu les yeux (mais vous connaissez mes problèmes chroniques avec les design 8D). Je suis plutôt active, quoi que pas mal accaparée par d’autres forums et le mojito la fac, je fais de mon mieux pour y arriver. Et pour finir Sybille vous proute mais la joueuse vous aime bien, parce qu’elle est un peu schizo What a Face


    Halte-là, voyageur ! Dis-nous donc qui est ton maître, et les raisons qui t’ont poussé à lui prêter allégeance ! Est-ce par conviction, par intérêt, par obligation ?
    Mon mariage m’a faite, comme mon époux, fidèle à la duchesse d’Aquitaine ; et comme le jeu des alliances matrimoniales est sans fin, à Louis VII. Mais je suis à l’image de mon père : fidèle à moi-même. Je n’ai d’autre serment que celui qui me lie à mes terres, et personne ne se pourra rendre maître de mes actes. J’ai bien l’intention de me débarrasser de la tutelle aquitaine, mais je vous vois sourire. Je ne suis pas idiote, je sais qu’une indépendance pleine et entière ne peut être envisagée et qu’il me faudra, pour satisfaire aux esprits férus de traditions, prêter allégeance quelque part. Seulement, ce sera là où je l’entend, et non par le biais d’un autre seigneur.

    Si une guerre venait à éclater entre l’Aquitaine, la France, la Normandie et l’Angleterre, que ferais-tu ? Prendrais-tu part au combat ? De quel côté ? Ou bien resterais-tu à l’écart ?
    J’irais là où se trouverait mon intérêt. Les frontières de mon domaines sont aussi celles des terres de Louis VII, du duc de Normandie et de la duchesse d’Aquitaine : j’aurais donc le choix. Pourtant, je dois admettre avoir tendance à me tourner vers le roi que mon père avait choisi de servir face au comte d’Anjou. Mais mon domaine a beau être riche, j’ai peu d’hommes à lever et je ne peux tous les envoyer au combat. Certains pourraient en profiter, or c’est Châteauroux et non le reste du royaume qui m’intéresse avant tout.

    Toutes ces alliances, ces mariages… Qu’en penses-tu ? Servent-ils tes intérêts ? Ou chercherais-tu à les rompre ?
    Les mariages font le jeu des alliances, je ne le sais que trop ! La place d’Abo est convoitée et bien que je ne souhaite pas me remarier pour l’heure, les prétendants ne manquent pas. Ces alliances ne sont pas à négliger, et doivent être nouées avec application. S’il faut rompre mariages ou autres pactes, je n’hésiterai pas : la politique n’est pas une affaire de sentiments. Encore une fois, c’est l’intérêt qui dicte ces ententes, et il semble difficile dans la situation actuelle de se lier à quiconque en étant certain de ne pas se tromper. Les choses changent, et j’attendrai, pour aller là où seront mes intérêts... qui pour l’heure ne se trouvent pas à Blois, malgré les insistances du comte de Champagne.

    Enfin, dis-nous un peu : plutôt bal ou plutôt tournoi ? Plutôt guerre ou plutôt paix ? Plutôt amour courtois ou plutôt croisade ?
    La paix est souhaitable, la guerre inévitable quand tant de fins différentes se font obstacles. J’ai été bercée par la guerre, et élevée dans les mondanités. Bals et tournois sont autant d’évènement auxquels il m’est plaisant de paraître, hauts lieux d’intrigues et de belles démonstrations courtoises. La croisade, quant à elle, est un mal nécessaire.




Dernière édition par Sybille de Déols le Mar 11 Déc - 11:18, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Sybille de Déols    Sybille de Déols  EmptyMar 11 Déc - 0:38

Sybille de Déols  a  dit:
Il était une fois, il y a fort longtemps...


Château de Châteauroux ▬ 1151

Imperturbable, l’enfant dormait. Il avait les traits sereins, presque angéliques de l’innocence et serrait dans son poing ce médaillon qu’il n’ôtait jamais. Doucement, une main desserra ses doigts et glissa le morceau d’ardoise gravé sous sa tunique, avant de s’attarder dans ses boucles blondes. Le petit garçon poussa un soupir dans son sommeil et tout fut silencieux à nouveau, à l’exception du crépitement discret d’un feu qui mourrait dans la haute cheminée. Sybille se redressa, un sourire rêveur aux lèvres, sans parvenir à quitter des yeux le visage apaisé de son fils. Un instant, elle envia sa quiétude, elle qui ne dormait jamais que d’un sommeil trop léger, et s’éloigna d’un pas comme si elle craignait que son ombre pût l’éveiller. Son regard se détacha enfin de l’enfant pour aller errer sur le berceau finement ouvragé dans lequel reposait un second garçon, tout aussi fermement endormi que le premier. C’était une belle chose que l’enfance qui savait faire des nuits ce havre serein que l’on devinait sur leur visage. Qu’ils reposent, songea Sybille, qu’ils reposent tant qu’ils le pouvaient, ignorants, indifférents aux rudes lendemains qui ne sauraient se faire attendre. Qu’ils reposent comme elle l’avait fait naguère, à bien des lieues de là : cette tranquillité était trop précieuse pour que l’on se permît de la troubler.
Songeuse, la jeune châtelaine, dame de Déols et de Châteauroux, alla s’asseoir le fauteuil qu’elle avait quitté un moment plus tôt et par la fenêtre, se perdit dans la contemplation des étendues sombres que dominait l’imposant château. Enfant, elle n’avait pas toujours passé ses nuits dans le même calme que ses deux fils. Par delà les remparts de son domaine, ceux de sa ville, elle revit, l’espace d’un moment, les hauts murs d’Amboise que bordait l’imperturbable Loire. Elle revit la lueur tremblante des torches, l’éclat irisé des armes et l’ombre menaçante d’une armée. Elle revit Amboise dans la tourmente de la guerre et esquissa un mystérieux sourire. Il y avait si longtemps.



Château d'Amboise ▬ 1135

Une clameur menaçante s’éleva, dont la force sembla faire vibrer les hautes voûtes de l’immense pièce. Les cris, le bruit des épées, les claquements irréguliers des sabots, les crépitement des feux allumés, tout se mêlait sourdement sans que l’on ne pût distinguer victoire ou défaite, sans que l’on pût dire qui, des assiégés ou des assiégeants, menait la bataille. Tout ce dont pouvaient être sûres les quelques personnes réunies dans la grande salle du conseil, c’était que le chaos, depuis la sortie des chevaliers, avait atteint son paroxysme.
Abandonnant ses soeurs, une fillette, l’aînée de la famille seigneuriale, courut à l’une des fenêtres que l’on avait condamnées à la hâte et, grimpant sur un fauteuil, tenta de glisser un regard à travers les planches. Ses yeux bleus laissèrent la Loire, majestueuse et indifférentes aux combats des hommes, et glissèrent sur le champ de bataille en essayant d’y démêler les silhouettes si petites et lointaines qui s’affrontaient au pied du château. Le coeur battant, elle y cherchait celle de son père quand deux puissantes mains se fermèrent sur sa taille et la forcèrent à descendre.
« Sybille ! la tança la voix sévère de sa mère. Ne t’ai-je pas demandé de rester tranquille ? »

Face à l’air strict et fermé d’Agnès, la petite demoiselle baissa la tête et retourna s’asseoir auprès de ses deux soeurs non sans avoir jeté un regard perplexe au dernier né qui, du haut de ses quelques mois, sanglotait sans discontinuer dans les bras d’une nourrice. L’atmosphère pesante qui régnait dans le château depuis que les troupes du comte d’Anjou en avaient dressé le siège s’était encore alourdie, et depuis une heure, c’était à peine si l’on échangeait quelques murmures dans la pièce principale du logis. Sybille, que la nervosité ambiante n’épargnait pas, entreprit en vain d’imiter Elisabeth dont rien ne semblait pouvoir troubler le sommeil. Toujours, les mêmes sons étouffés la sortaient de la demi-torpeur dans laquelle la fatigue la plongeait, si bien qu’il lui fut impossible de garder les paupières closes plus de quelques minutes. Étouffant un soupir, elle se contenta de rester allongée sur le lit de fortune que l’on avait dressée pour elle tout en observant les allées et venues anxieuses de sa mère.

Agnès de Donzy n’était pas femme à se laisser impressionner, quoi qu’il parût clairement sur ses traits que toute cette agitation ne lui plaisait guère, mais des derniers évènements de la nuit découlait une incertitude qui n’avait rien de rassurant. Après quelques semaines de siège et d’escarmouches sans conséquences, Sulpice II, seigneur d’Amboise, sûr de l’appui de ses voisins dont les troupes menaçaient à leur tour celles d’Anjou, avait finalement décidé d’une sortie. Il est temps d’en finir avec cette mauvaise farce, avait-il déclaré avant d’ordonner à ses chevaliers de se mettre en ordre de bataille. Le message, passés par le biais de discrets coursiers, avait été reçu et approuvé de la part des seigneurs alliés et il y avait maintenant une heure que la bataille faisant rage, laissant place aux conjectures de tous genres. Des hypothèses que l’on se gardait d’exprimer à voix haute.

« Père n’a-t-il pas dit que le château est imprenable ? s'éleva soudain la voix étouffée par les couvertures d’une Sybille que fuyait tout repos.
- Il l’a dit, répondit Agnès en se laissant tomber dans un fauteuil.
- Alors il ne faut pas s’inquiéter, mère ?
- Nous verrons, Sybille, nous verrons. »
La fillette fronça les sourcils mais n’ajouta pas un mot, consciente qu’elle n’obtiendrait pas de réponse à de telles questions. Il est vrai que Sulpice, le belliqueux Sulpice auquel ses ennemis comme ses - rares - amis donnaient le surnom de Hutin, disait beaucoup de choses. De là à se reposer sur son indéfectible assurance, il y avait un pas que la châtelaine, malgré les victoires de son époux, se refusait à franchir.

Cette fois encore, pourtant, l’avenir la détrompa. Au bout d’une longue nuit de veille, une nouvelle clameur s’éleva. Un cri guerrier, annonciateur de victoire, qui s’avéra finalement être celui des hommes de Sulpice à la vue des troupes adverses battant en retraite. Sybille, dont la fatigue n’avait pas eu raison, sauta de son lit dès l’instant où l’on annonça la victoire de son père et courut à nouveau à cette même fenêtre. Elle tira de toutes ses maigres forces sur une des planches mal scellées et parvint à se dégager un espace suffisant pour y voir clair. Sur la Loire, une aube pâle se levait, offrant à ses yeux surpris le spectacle mortifère des lendemains de bataille. Elle se détourna bien vite, pour voir se dessiner aux portes de la grandes salle une imposante silhouette, toute auréolée de gloire et de sang. Sulpice, son père, se tenait là, drapé dans toute sa sanglante puissance. Il avait tout du guerrier en cet instant, un guerrier dont personne n’ignorait la férocité aux combats, impressionnant, si bien que Sybille saisit promptement la main de sa mère avant de s’en approcher.
« Vous voyez, mère, il ne fallait pas s’inquiéter, souffla la fillette.
- Tais-toi, Sybille. »
La jeune demoiselle esquissa un sourire et se redressa, prête à faire face au seigneur qui les salua de sa voix de stentor.


La jeune châtelaine laissa échapper un soupir. Cette nuit-là n’avait pas été la première, ni la dernière d’une longue série de batailles. Rares étaient les moments où Sulpice n’était pas en guerre, lui qui n’avait jamais de cesse de chercher querelle à ses voisin. Le comte d’Anjou ne s’en était pas tenu à cette sanglante défaite, et entre Plantagenêt et Amboise, les conflits ne s’étaient jamais réellement apaisé. Toute son enfance avait été bercée de combats, qu’ils fussent à sa porte ou à des lieues de l’endroit où elle se trouvait. Elle l’avait si bien été que la nuit dans laquelle le regard de Sybille s’était perdu lui sembla étrangement calme, presque trompeuse. Un calme annonciateur de tempête, sans doute, mais à l’image de son père, elle avait cherché ses propres conflits. Les velléités d’indépendance de Sulpice pour Amboise et ses terres, quoi qu’il lui en coutât, n’étaient pas différentes de celle qu’elles nourrissait pour les siennes, et ses fils. A nouveau, Sybille s’approcha du lit de son aîné, Aymeric. Il ferait un grand seigneur, elle n’en doutait pas ; à elle de lui bâtir un domaine à sa mesure... à leur mesure, quoi qu’il en coûte.
« Il est tard, ne devrais-tu pas être dans ta propre chambre ? »
La voix bien connue de Jehan tira un vague sourire à Sybille.
« Je ne dormais pas, répondit-elle sans se retourner.
- Tu ne dors jamais. »
La jeune femme se redressa pour faire face au chevalier, qui savait mieux que quiconque à quelles insomnies elle était sujette.
« Je n’aime pas perdre mon temps, répliqua-t-elle, j’ai bien assez à faire pour occuper mes nuits.
- Si je ne te connaissais pas, et si je ne savais pas qui est ton père, je me demanderais volontiers quel démon t’as mise au monde, soupira le chevalier en se laissant tomber sur un siège alors que Sybille semblait à nouveau veiller sur le sommeil de son aîné. »
Elle lui dédia un regard perplexe, auquel il ne répondit que par un sourire entendu. Jehan avait à la fois raison et tort. On ne pouvait qu’imputer à Sulpice le caractère opiniâtre, parfois dur et ambitieux de la jeune femme. Mais celui-ci, perdu dans les méandre de ses incessantes batailles, n’avait pas été assez présent pour influencer à ce point Sybille, dont la mère avait par ailleurs bien assez tôt veillé à étouffer une personnalité qu’elle jugeait dangereuse. Elle était loin, bien loin d’avoir été élevée pour être celle qu’elle était aujourd’hui.



Château d'Amboise ▬ 1140

« Allons jeunes filles, un peu de sérieux je vous prie ! »
Devant la mine sévère du précepteur, Hue et Sybille se turent, et revirent à leur ouvrage. L’aînée ne se gêna toutefois pas pour dédier à son frère, de cinq ans son cadet, un regard jaloux alors qu’il s’éloignait. Elisabeth, quant à elle, dissimula un reste de fou rire derrière son livre et la leçon put reprendre.
« Sybille, voulez-vous lire le paragraphe suivant ? »
Abandonnant son frère, la demoiselle hocha docilement la tête et déchiffra brillamment le texte qu’elles avaient sous les yeux, à la suite de quoi l’éminent religieux en charge de leur éducation repris ses discours sur la foi et la bonne conduite à laquelle, en tant que nobles filles, elles étaient tenues. Il leur parla longuement, comme il le faisait chaque jour, canalisant l’attention de ses auditrices comme pouvait l’être celle de trois jeunes filles âgées de huit, neuf et dix ans. Connaissant déjà sa leçon sur le bout des doigts, Sybille s’autorisa un instant de distraction. Son regard erra sur ses soeurs, puis sur le visage concentré de sa mère qui brodait. Peu importait l’enseignement dispensé, elle était toujours là, veillant avec sévérité sur l’éducation de ses filles, toutes trois promises à des mariages dont les contrats étaient déjà prêts. Personne ne saurait être plus vigilant que ne l’était Agnès, dont la dignité et l’orgueil ne supporteraient pas qu’une seule de ces trois demoiselles ne fît pas honneur à sa puissante famille.

Aussi celles-ci étudiaient-elles tout ce qui pouvait faire d’elles les épouses idéales, n’en déplaise à leurs personnalités bien différentes, parfois réticentes. Les regards d’Agnès et de Sybille se croisèrent et l’espace d’un instant, se jaugèrent. Il y avait toujours eu cette petite flamme de défi dans les yeux de l’aînée, cette indépendance, cette pugnacité. De quatre enfants, elle était celle qui ressemblait le plus à son père, aussi distant et peu affectueux fut-il, et c’était contre ce fier caractère que la châtelaine s’était battue, si bien que sous le regard sévère de sa mère, Sybille baissa les yeux et retourna à sa leçon. Si elle avait été un homme, sans doute aurait-elle brillamment pris la suite de Sulpice, et de façon toute aussi belliqueuse, c’était en partie la raison pour laquelle Agnès laissait à son aînée et son seul fils tant de moments de liberté, pourvu qu’ils les passent ensemble.

Par ces procédés, Agnès avait contribué à créer de forts liens dans cette fratrie sur laquelle elle exerçait un contrôle permanent. Lorsque les leçons furent terminées, les trois jeunes filles se levèrent et coururent rejoindre leur frère qui, bien que plus jeune, profitait allègrement de toutes cette attention dont on l’entourait. Il y avait Hue, la seconde mère ; Elisabeth, la complice ; et Sybille, la voix de la raison, l’ange noir que le jeune Hugues devait ériger en véritable modèle.


Dernière édition par Sybille de Déols le Mar 11 Déc - 8:38, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Sybille de Déols    Sybille de Déols  EmptyMar 11 Déc - 0:55

Sybille de Déols  a  dit:
Il était une fois, il y a fort longtemps...


« N’impute pas à mon père des fautes qui ne lui reviennent pas, lâcha la jeune femme dans un demi-sourire, il paye bien assez les siennes pour cela. »
Ses traits se crispèrent un instant, mais elle n’ajouta pas un mot sur le sujet et se tournant vers Jehan qui, à son tour, observait attentivement Aymeric.
« Que fais-tu ici, Jehan ? demanda enfin Sybille, tirant un soupir au chevalier.
- Deux lettres sont arrivées.
- Si tard ?
- La pluie les a retardées, dit-elle en lui tendant deux enveloppes. Et un message aussi : Ventadour va venir. »
À ces mots, un sourire joyeux étira les lèvres de la châtelaine.
« Je le croyais à la cour.
- Il dit avoir un ami à te présenter. Un écrivain, cette fois. »
L’éclat qui brilla dans le regard de Sybille était sincère. L’art, de quelque nature qu’il soit, la fascinait, et ce depuis les premiers moments de son mariage. L’habile jeune femme s’était vite constitué un petit entourage d’artistes en tous genres, entourage dont le principal artisan demeurait ce talentueux poète, Bernart de Ventadour. Grâce à leurs efforts conjugués, Sybille s’était érigée en mécène reconnu, réunissant autour d’elle toute une cour vouée aux arts.
« J’aime bien ce garçon. Abo l’appréciait aussi, lança Jehan.
- Il n’entendait rien à la poésie, répliqua la châtelaine, une moue narquoise aux lèvres.
- En effet. Mais il se moquait de la poésie : tout cela t’occupait, c’était tout ce dont il avait besoin. Pendant que tu parlais de vers, tu ne te mêlais pas de politique. Je crois qu’il pensait que les arts t’ennuieraient, et que tu t’appliquerais d’autant plus à lui donner un fils viable. »
Comme s’ils n’avaient fait qu’un, leurs deux regards s’arrêtèrent sur Aymeric.
« Je n’en serais même pas étonnée... marmonna Sybille. »



Abbaye de Déols ▬ 1145

Un homme frappa vigoureusement à la porte de la chambre. Sybille, assise sur le lit défait, observa avec curiosité son époux aller ouvrir, et échanger quelques mots avec le messager.
« Sont-ils tous là ? demanda-t-elle. »
Abo, deuxième du nom, seigneur de Déols et de Châteauroux, dévisagea avec un intérêt perplexe la jeune fille de quinze ans auquel on l’avait marié deux mois plus tôt.
« Oui. Même les moines sont venus. Puis-je savoir ce que vous faites ? ajouta-t-il, surpris, en la voyant se lever à son tour.
- J’aimerais y aller avec vous. »
Il y eut un court silence. Sybille avait parlé avec un aplomb déroutant, baissant à peine les yeux face au regard inquisiteur du seigneur qui, ce jour-là, rassemblait ses vassaux autour de lui le temps de quelques festivités, certes, mais également d’une rencontre plus officielle qui n’était pas sans importance.
« Et pourquoi diable voudriez-vous m’accompagner ? En quoi cela vous intéresserait-il ? interrogea Abo, bien qu’il se doutât de la réponse qui allait lui être faite.
- Je suis votre femme, maintenant. Ce qui intéresse vos... nos terres m’intéresse aussi. »

La jeune fille s’était redressée sur ces mots, arborant un sourire sincère et sans arrière pensée. Jusque là, depuis leurs noces, jamais elle n’avait rien fait ou dit qui pût venir démentir l’image sage et lisse de l’épouse idéale qu’elle se donnait. Elle avait laissé coulé dans le moule finement ouvragé par l’implacable Agnès sa personnalité si mal adaptée à de tels carcans mais les apparences n’étaient pas sans fêlures : elle n’avait pu contenir plus longtemps cette curiosité dévorante pour ce qui allait se passer, et elle n’entendait pas par là de quelconques tournois ou d’indécents banquets.
Abo considéra d’abord sa jeune femme avec étonnement, puis son visage se ferma.
« Préoccupez-vous d’abord de ce que vous me devez Sybille : un fils. Ensuite, je verrai s’il est judicieux ou non de vous mêler à ce genre d’affaires. Ce sujet est clos. »
Là-dessus, il lui lança un oeillade sévère, et quitta la chambre, y laissant une Sybille frustrée et pensive. Non sans un soupir, elle renonça à le rattraper et se laissa retomber sur le lit, une main sur le ventre.

Elle ne chercha pas à se révolter, à crier à l’injustice ou à lui forcer la main. Au fond, Abo l’avait longtemps impressionnée, et les préceptes maternels qui avaient bercé son enfances n’étaient pas sans effet. Elle ne songea pas un instant à le défier, mais Sybille avait besoin de contrôler certaines choses. De prendre la main sur un monde qui serait sien, fut-il réduit et sans conséquences.
C’est un séjour à Poitiers, quelques semaines plus tard, qui avait plaça sur sa route Bernart de Ventadour. Le talent du jeune poète n’y laissait pas insensible, et se dessina une évidence aux yeux de la jeune fille à qui l’on avait enseigné sinon l’amour, au moins l’intérêt pour les lettres en particulier, et l’art en général. Un intérêt qui se mua vite en fascination, dès l’instant où elle y avait vu un moyen d’occuper son esprit trop vif.

Elle avait abordé le poète avec toute son audace d’enfant, prenant pour prétexte cette charmante ballade dont il venait de régaler quelques dames. Elle l’avait complimenté pour son talent, et ils étaient en grande conversation lorsque Sybille aborda le sujet qui l’amenait.
« Je repars pour Châteauroux dès demain. Il me plairait beaucoup de vous y revoir, ainsi que vos amis dont vous me parliez tout à l’heure, lança-t-elle sans détour, un sourire espiègle aux lèvres.
- Ma foi, madame, c’est une proposition que certains d’entre eux apprécieront grandement !
- Sentez-vous libre de me présenter ceux que vous estimez. Je saurais user de leur talent, et le faire connaître. »
Un pacte venait d’être scellé entre le jeune poète et la petite dame. Un mois plus tard, Bernart était à Châteauroux, et avec la bénédiction d’Abo, commençait à attirer autour d’une Sybille de plus en plus passionnée une petite cour de poètes, de beaux esprits, et d’artistes dont elle jugeait et promouvait le travail avec application. Si bien qu’elle était déjà considérée comme un habile mécène lorsqu’enfin, elle était devenue mère.



Jehan laissa s’installer un silence, observant pensivement le jeune garçon endormi, avant de reprendre la parole.
« L’idée ne s’est pas avérée mauvaise, soupira-t-il en faisant glisser son regard de l’enfant à sa mère. »
Sybille hocha la tête, et alla s’asseoir face au chevalier tout en décachetant la première enveloppe, sur laquelle elle avait reconnu l’écriture de la comtesse de Gloucester. Un sourire mince étira ses lèvres.
« Chère Hawise... fit-elle en parcourant les premières lignes de la longue lettre. »
Elle sentit sans avoir besoin de l’entendre soupirer, ni de lever les yeux sur lui, le regard réprobateur que Jehan lui dédia.
« Ne prends pas cet air là, je ne fais que lui écrire.
- Ce ne sont pas tes lettres qui m’inquiètent, mais leur contenu. Cette femme n’est pas de ta trempe, pourquoi t’entêter à la corrompre ? »
Sybille eut un rire discret. Elle abandonna un instant sa lecture, et s’enfonça un peu plus dans son siège, narquoise.
« La corrompre ? Je ne fais que lui montrer qu’elle n’a pas à se plier à tout et n’importe quoi.
- Au risque de t’attirer de nouveaux ennemis... Je suis surpris qu’elle puisse encore t’écrire.
- Il n’y a pas de mal à prendre un peu d’indépendance, Jehan, soupira la châtelaine en revenant à la lettre. »
L’indépendance. Le maître-mot de toute sa conduite, celle-la même que Jehan lui avait enseignée et dont elle s’appliquait à montrer les énormes avantages à son amie. Hawise et elle tombaient souvent en désaccord sur leur attitude respectives, mais Sybille ne pouvait ignorer l’envie qu’elle lisait derrière les lignes de la comtesse. Il y avait plus en elle que la demoiselle sans intérêt que se représentait Jehan. Elle le savait.
« Tu ne peux façonner tout le monde à ton image, déclara le chevalier.
- Qui est aussi la tienne, répondit-elle. Le voyant froncer les sourcils, elle sourit. Allons, tu aussi bien que moi que tu n’es pas pour rien...
- Non, Sybille. Je n’ai fait que t’apprendre à connaître et à maîtriser tes terres. Tout le reste, tu l’avais déjà en toi. »



Château de Châteauroux ▬ 1147

Une troupe était réunie devant le château, prête au départ, n’attendant plus pour partir qu’un ordre d’Abo. Celui-ci avait choisi de prendre la croix contre les Infidèles, et devait rejoindre le gros de ses chevaliers rassemblés quelques lieues plus loin. L’heure du grand départ avait sonné.
Debout sur les quelques marches qui surplombaient la cour de la grande bâtisse, Sybille promena un regard perçant sur les quelques hommes rassemblés là, jusqu’à croiser celui de son époux.
« Il ne me reste qu’à vous faire mes adieux, Sybille, lança celui-ci en s’approchant. Et à toi aussi, mon fils, ajouta-t-il en se penchant sur le nourrisson qu’elle avait au bras. »
Il y eut un instant de silence. Rares étaient les moments où Abo faisait montre d’une quelconque tendresse envers son fils, âgé de quelques mois à peine, et pourtant, c’est bien un sourire que Sybille vit se dessiner sur ses lèvres.
« Un dernier mot, Sybille, reprit le croisé en se redressant, avant d’appeler un homme derrière lui. Je vous laisse maîtresse pleine et entière de ces terres, je ne doute pas un instant que vous en soyez capable. Il esquissa un sourire entendu. Cependant, il vous reste beaucoup à apprendre. C’est pourquoi j’aimerais vous laisser entre de bonnes mains... Vous connaissez le chevalier Jehan d’Ambrault. Il sait tout ce que vous avez à savoir, et il vous l’enseignera. J’ai totalement confiance en lui, et je vous engage à en faire de même. »

Face à la jeune femme, l’homme en question, s’inclina légèrement. Sybille hocha la tête.
« Je sais déjà vos mérites, chevalier, assura-t-elle. »
Abo déposa une main vigoureuse sur l’épaule de son fidèle compagnon et ami, puis enfin, fit ses adieux.
« Que le Seigneur vous guide, et vous ramène victorieux, lança la jeune femme. »
Et là-dessus, Abo se mit en selle et donna les ordres du départ. Sybille les observa s’éloigner un moment. Lorsqu’ils eurent disparu de son champ de vision, elle se retourna, appela une nourrice à laquelle elle confia Aymeric et dévisagea le chevalier d’Ambrault, resté, silencieux, à ses côtés.
« Je ne saurais dire qui du croisé ou de l’homme qui a accepté de m’enseigner l’art de gouverner est véritablement le plus courageux, lança-t-elle.
- Oh, je crois savoir que ma tâche ne sera pas trop lourde... »
La jeune châtelaine esquissa un sourire sibyllin : il n’avait pas tort. Elle avait à peine donné naissance à son fils qu’elle s’était empressée de rappeler à Abo le marché tacite qu’ils avaient passé un peu plus d’un an plus tôt. Marché auquel il ne s’était pas dérobé.
« Vous en jugerez vous-même. Et devant l’ampleur du travail qui nous attend... Je propose que nous commencions tout de suite. »
Sur ces mots, ils rentrèrent tous deux dans le château, sans plus accorder un regard au nuage de poussière que soulevaient encore, au loin, Abo et ses hommes.


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Sybille de Déols

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MessageSujet: Re: Sybille de Déols    Sybille de Déols  EmptyMar 11 Déc - 1:02

Sybille de Déols  a  dit:
Il était une fois, il y a fort longtemps...


Il y eut un silence. Sybille se contenta de hocher la tête, tandis que Jehan se levait, et gagnait une fenêtre. Dehors, l’accalmie était passée, et la violente averse avait repris, détrempant les plats paysages qui entouraient le château.
« Je m’accorderais volontiers plus de mérite, reprit Jehan, regard perdu au loin, mais c’est un fait : ces terres sont à ton image, aujourd’hui. »
La jeune femme leva les yeux sur le chevalier, et depuis son siège, chercha à distinguer dans son regard les enjeux d’une telle réplique.
« Elles sont riches, puissantes, continuait-il. On convoite la place d’Abo, tes chevaliers te sont attachés, et loyaux. Le domaine est indépendant. Même ton époux n’en aurait exigé tant.
- Défunt époux, corrigea Sybille en décachetant la seconde enveloppe.
- Certes. Mais comprends-moi bien, Sybille, mon but en disant que ces terres te ressemblent n’est pas de dire que tout y est parfait, et tu le sais. »
Un instant, ils se jaugèrent. La jeune femme avait suspendu ses gestes pour le dévisager. Elle comprenait parfaitement ce qu’il voulait lui faire entendre.
« Tu l’as dit : nous sommes indépendants, asséna-t-elle sèchement, avant de se pencher sur la lettre.
- Et à quel prix, soupira Jehan. »
Il l’avait toujours poussée, toujours soutenue dans ses décisions, mais ne pouvait s’empêcher de songer aux conséquences.
« Qu’est-ce que c’est ? reprit-il en la voyant s’assombrir dans sa lecture. »
Sybille ne répondit pas immédiatement. Elle prit le temps de terminer la lettre avant d’en détourner les regard. Celui-ci se posa sur Jehan, un instant, puis s’arrêta sur le berceau auprès duquel il se trouvait.
« Que sais-tu de la comtesse de Worms ? demanda-t-elle soudain, sans quitter le lit enfantin des yeux.
- L’Empereur l’a exilée en Normandie. Mais pourquoi...
- Elle sait, le coupa Sybille. Pour Guillaume.
- Comme beaucoup de monde, rétorqua Jehan en s’approchant pour lire la lettre.
- Non, Jehan. Elle connait le père. »
Le chevalier fronça les sourcils et, à son tour, posa les yeux sur le second enfant endormi.



Château de Châteauroux ▬ 1148

« Tu sais que tout ceci pourrait devenir une regrettable erreur, lâcha Sybille dans un sourire énigmatique en observant le jeune homme s’habiller.
- Personne n’a besoin d’être tenu au courant, rétorqua celui-ci.
- Tu ignores combien les murs de ce château sont curieux, et bavards... »
Henri Plantagenêt, fils de Geoffroy, comte d’Anjou, leva les yeux au ciel à cette réplique, tirant un second sourire sur les lèvres de la jeune châtelaine. À son tour elle se leva, et s’enveloppa dans un déshabillé avant de faire face à celui que rien n’aurait dû mener à être son amant, même pour quelques jours. Elle ignorait exactement ce qui l’avait poussée à céder à cette étrange tentation. Sans doute n’y avait-il pas de réelle explication. Ils étaient jeunes tous les deux, bien jeunes pour les rôles qu’ils jouaient, et se livraient dans l’ombre un combat silencieux, dont il n’était que les héritiers. Sans doute auraient-ils pu tomber dans les bras l’un de l’autre pour moins que cela ; et pour l’heure, les raisons qui les avaient poussés à la faute étaient bien loin de préoccuper Sybille.

S’adossant au mur non loin de lui, elle le dévisagea un instant et enfin, posa la question qui s’imposait.
« Dis-moi : pourquoi es-tu ici ? demanda-t-elle. D’un geste, elle l’arrêta avant qu’il ne réponde. Je ne suis pas idiote, et tu connais aussi bien que moi l’histoire de nos familles. Espérais-tu vraiment me convaincre avec une alliance sortie de nulle-part ? »
Ce fut à elle de lever les yeux au ciel, non sans un ricanement narquois.
« Henri, j’étais aux fenêtres d’Amboise quand ton père a dû fuir le mien avec les restes de ses troupes, siffla-t-elle. Et je connais aussi bien que toi les batailles suivantes, alors...
- Vraiment, Sybille ? Ne penses-tu pas que j’ai mieux à faire que de remuer ces vieilles rancoeurs ? répondit le jeune homme.
- Alors qu’est-ce que tu es venu chercher ici ? Tu sais très bien que tu n’obtiendras aucune alliance de moi. »
Les rancoeurs familiales, Sybille avait appris, au rare contact de son père, à les faire siennes, aussi la conversation dura-t-elle, de plus en plus houleuse, et sans issue. Aucune entente ne fut possible et Henri et ses hommes quittèrent Châteauroux dès le lendemain, sans avoir rien obtenu de ce qu’ils étaient venu chercher officiellement... et sous coupe. Sybille n’était pas femme à se laisser manipuler.
Non, Henri n’obtint rien de l’implacable châtelaine. En revanche, le jeune homme, lui, laissa quelque chose à Châteauroux. Un enfant, un garçon du nom de Guillaume que Sybille se garda bien de lui faire connaître.



Jehan acheva la lecture de la lettre, tournant autour de l’enfant endormi.
« Il y a une chose que cette Worms ne dit pas...
- Ce qu’elle veut ? L’homme hocha la tête, tout en se penchant, pensif, sur le berceau. Je suppose que nous le découvrirons bien assez tôt, marmonna Sybille. »
Elle lâcha un soupir, lasse. Il était presque de notoriété publique que cet enfant n’était pas celui d’Abo, alors parti se battre en Terre Sainte. Mais elle avait toujours réussi à garder secrète l’identité de son père, qu’elle tenait à garder éloigné de ce garçon. Henri Plantagenêt n’était pas le bienvenu ici. Quelle que soit la façon dont l’avait découvert la comtesse de Worms, et les raisons pour lesquelles elle prenait la peine de l’en prévenir, il fallait la faire taire.
« Ce n’est jamais qu’une lettre. »
Jehan eut un rictus entendu. Il délaissa Guillaume et retourna s’asseoir face à Sybille, que l’insomnie abandonnait lentement.
« Tu sais qu’il y a un moyen de détourner les soupçons sur cet enfant, ou de les rendre nuls, lâcha-t-il. Cela n’était pas une question : la jeune femme était parfaitement consciente des choix qui s’offraient à elle.
- Et tu sais ce que je pense de ce moyen-là, répliqua-t-elle en redressant la tête. Ce n’est pas le bon moment.
- C’est ce que tu dis depuis trois ans.
- Deux ans, rectifia Sybille. »
Une moue perplexe vint tordre ses lèvres. La mort d’Abo l’avait peu surprise, et à peine touchée. C’est ce qui en avait découlé, et qui en découlait toujours aujourd’hui, qu’elle gardait - bien malgré elle - à l’esprit.



Château de Châteauroux ▬ 1149

Henri de Champagne n’était exactement l’homme que Sybille s’attendait à voir rentrer dans Châteauroux. Depuis que les rumeurs annonçaient le retour des croisés français, elle guettait avec des sentiments partagés le retour de son époux, et ceux-ci tenaient plus d’un certain agacement que du plaisir. Aussi était-ce sans grand entrain, quoi qu’elle l’eût feint à merveille, qu’elle s’était préparée à recevoir le maître des lieux lorsqu’on était venu la prévenir qu’une troupe de cavaliers avait fait son entrée en ville et il y avait à peine quelques minutes qu’elle savait qu’il ne s’agissait finalement pas d’Abo lorsque le comte de Champagne avait mis pied à terre.
« J’admets être surprise d’une telle visite, lança-t-elle en guise d’introduction après l’avoir accueilli. »
Assise face à lui, elle le dévisagea avec une curiosité savamment dissimulée, et crut lire dans son regard ce qu’il s’apprêtait à lui dire. Sybille, à cet instant, ressentit à peine un scrupule à être saisie d’un fol espoir.
« Je ne viens pas porteur d’une bonne nouvelle, répondit le comte.
- Alors ne vous encombrez pas de détours, parlez.
- Votre époux est mort, madame. »

La jeune femme resta un instant sans réaction, regard planté dans le sien, avant de se lever. Elle lui tourna le dos, cherchant en elle ne serait-ce qu’une once de tristesse. Tout ce qu’elle pu trouver fut un peu de peine pour cet homme qu’elle ne haïssait pas. C’est tout ce qu’elle s’appliqua à laisser paraître lorsqu’elle fit à nouveau face au comte, enfermant au fond de son âme le soulagement déplacé que lui procurait cette nouvelle.
« Il est mort au combat, et avec honneur, reprit le chevalier. J’étais un de ses amis. »
Sybille hocha à peine la tête, et se laissa retomber dans son fauteuil. Elle ne feignit pas un surplus de chagrin qui aurait paru déplacé et suspect à n’importe qui la connaissant et resta songeuse, quoi qu’heureuse au fond qu’il ait trouvé la mort qu’il était allé chercher. Un homme de la trempe d’Abo méritait au moins cette gloire-là.
« Je vous sais grès de m’avoir prévenue, souffla-t-elle. Nous attendions son retour. »
Elle lui adressa un sourire sans joie, et put constater, non sans ironie, que cette nouvelle semblait l’attrister plus qu’elle ne l’était elle-même.
« Savez-vous ce qui s’est passé ? interrogea-t-elle, comme pour lui permettre de continuer - car il avait autre chose à dire, elle le sentait.
- Je l’ai trouvé mourant. Mais il m’a parlé de vous. Il est mort après m’avoir fait promettre de vous protéger... Il a fait de moi le parrain de votre fils. »
À ces mots, Sybille dressa brusquement la tête, et l’éclat qui dansa dans son regard, échappant à tout contrôle, n’avait plus rien qui pût tenir du chagrin. Un protecteur ? Elle savait trop bien ce qui pouvait se cacher derrière ces mots.
« Abo est parti depuis bien longtemps. Sa demande, et je suppose, votre offre sont généreuses mais je n’ai nul besoin d’être protégée. »

Elle s’était levée à ces mots, comme pour leur donner plus de résonance. Ce fut cet instant que choisi la nourrice pour faire son entrée, poussant devant elle un Aymeric timide et portant au bras le nourrisson endormi. Guillaume, le fils d’Henri, n’avait guère que quelques mois. Et c’es bien là ce qui créa le soudain malaise qui envahit la pièce.
« Mais soit, voici votre filleul, annonça Sybille en présentant l’aîné au comte. Et...
- ... Est-ce votre fils ?
- Oui. »
La jeune mère darda sur Henri de Champagne un regard qui n’autorisait aucune discussion. Et pourtant, cette conversation là n’était que la première d’une longue série et marquait le début d’une lutte obstinée, l’une pour conserver distance et indépendance, l’autre pour tenir une promesse... qui servait allègrement ses intérêts.



« La mort d’Abo aurait pu t’apporter des alliés. Mais tu t’es habilement mis le comte de Champagne et son frère à dos... constata Jehan.
- Il est hors de question que je cède à ses propositions, et tu le sais.
- Ne sont-elles pas intéressantes ?
- Leur père détient le mien. Et Hugues, asséna-t-elle, non sans se crisper à nouveau. »
Jehan hocha la tête. S’il avait d’abord était un maître pour Sybille, là n’était plus son rôle désormais, et il savait que face à l’opiniâtreté de la jeune femme, il se heurterait toujours. Toucher à Sulpice et à son frère, c’était s’en prendre à une famille avec laquelle elle faisait bloc, et ce depuis toujours. C’était s’assurer ses foudres.
« Veille à ne pas t’en faire de réels ennemis, c’est tout ce que je veux te faire entendre.
- Blois ne me fait pas peur, rétorqua-t-elle. Quant à Henri... Cela ne serait jamais qu’un ennemi de plus.
- Lusignan ne te suffit plus ? »
À ce nom honni, Sybille se leva. Lusignan était de ces hommes qui ne supportaient pas qu’une femme pût se réclamer des mêmes pouvoirs qu’eux.
« Il est insignifiant.
- Non, ça n’est pas le cas. Et tu le sais.
- Il y a des mois qu’il prétend à qui veut bien écouter ses fanfaronnades qu’il pourrait me faire taire sur un claquement de doigts. Je l’attends toujours. Il est insignifiant. Et s’il devient trop encombrant...
- Tu lui montreras à qui il s’attaque ?
- Oui. »
Poussée par l’accumulation de nuits sans sommeil, Sybille s’était emportée. Elle darda un regard peu amène sur Jehan, qui seul savait la pousser dans ses retranchements. Il savait tout, depuis qu’elle avait pris les terres d’Abo en main. Il connaissait les moindres détails de sa vie, ses questionnements, ses inimitiés, et savait lire le mensonge sur ses traits si trompeurs.
« Tu devrais dormir, Sybille, lâcha-t-il en se levant. Pour ma part, je rends les armes. »
Là-dessus, il se leva, tourna les talons et la laissa au silence innocent du sommeil de ses deux fils. Sybille balaya la chambre du regard et, avec surprise, constata que Guillaume avait ouvert les yeux. Agacée, elle alla réveiller la nourrice qui dormait dans la pièce d’à côté et gagna sa propre chambre.
Là, elle aperçut l’aurore au travers de l’averse. Elle aimait ce moment du jour ; celui où l’heure était aux commencements.


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MessageSujet: Re: Sybille de Déols    Sybille de Déols  EmptyMar 11 Déc - 1:02

Aliénor d'Aquitaine  a  dit:
Coucou ma chérie ** avant que tu continues ta fiches, sache juste que le code est pas bon, et qu'il te manque le fond noir, je viens de changer le code pour plus de facilité à le rajouter. Dis moi si mon message te gène (je pense que ça sera le cas :P)

Hâte de lire l'histoire **
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MessageSujet: Re: Sybille de Déols    Sybille de Déols  EmptyMar 11 Déc - 1:06

Sybille de Déols  a  dit:
Gnyaaah tu m'as fait trop peur, t'as posté en même temps que j'éditais eeuh

Alors j'ai viré le fond noir volontairement (mea culpa pliz ) parce que vu l'heure avancée et l'état général de mes yeux, c'était illisible pour moi... Tu veux bien que je ne ré-édite pas tout ? pliz

Et sinon tu as de la chance va, j'ai fini de poster mon histoire. Me reste plus que les questions piège là-haut super


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MessageSujet: Re: Sybille de Déols    Sybille de Déols  EmptyMar 11 Déc - 1:08

Aliénor d'Aquitaine  a  dit:
Tu rééditeras demain ^^ je sais pas si j'aurais la foi de valider tout le monde ce soir du coup ça te laissera le temps de changer ça. La réforme des Bourbons me tue à petit feu u_u. Bon courage pour les questions pièges What a Face

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MessageSujet: Re: Sybille de Déols    Sybille de Déols  EmptyMar 11 Déc - 11:20

Sybille de Déols  a  dit:
J'ai tout édité, mais c'est bien parce que c'est toi mdr
Bref. Sur ces douces paroles j'annonce que ma fiche est (enfin) terminée. Je peux retourner à une activité normale estudiantine. super

EDIT : Et je tiens à revenir sur les paroles d'Isabel sur sa fiche : je ne suis pas sa copine Sybille. Nous ne sommes pas copines, nah. bou
*out*
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MessageSujet: Re: Sybille de Déols    Sybille de Déols  EmptyMar 11 Déc - 17:01

Aliénor d'Aquitaine  a  dit:
Je sais que c'est juste parce que tu m'aimes très fort et que tu sais que je suis freaking controle avec mes codes What a Face

Alors allons-y, depuis le temps que je veux en savoir plus sur Sybille **

Eh bah tu vois tu t'en es sortie nickel pour le questionnaire mdr c'est parfait ^^. Déjà petite elle a l'air d'avoir un sacré caractère, et quand on voit ses parents, on sait bien d'où ça lui vient (d'ailleurs au passage, Amboise te poursuit lol). Elle est un peu sale gosse sur les bords What a Face. Bernaaaaaart =( *fait sortir Aliénor pour plus de sureté*. Sur le point de femmes devant juste enfanter d'après leurs maris, je crois qu'on a beaucoup de personnages sur le forum que ça énerve mdr les pauvres. Et la croisade qui retire cet époux un rien... froid on va dire. Bon Planta l'a bien mise dans les problèmes, merci Henri (et Pétra mdr), et alors avec Champagne c'est pour le moins... électrique.

Tu es à présent validé(e), bienvenue parmi nous :clap:. Tu peux à présent t'orienter vers le bottin pour réserver ton avatar. Une fois ceci fait, tu pourras créer tes liens ainsi que tes mémoires tu trouveras d'ailleurs dans ce topic des codes prêts pour t'aider si tu ne sais pas coder. Les rangs se font à partir de 100 messages, et les logements à partir de 200.

Bon jeu parmi nous heart


Et j'ai hâte qu'on mette en place notre lien What a Face
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MessageSujet: Re: Sybille de Déols    Sybille de Déols  EmptyMar 11 Déc - 20:28

Sybille de Déols  a  dit:
Oh je suis validée **
Merci ma chère duchesse (a) Et promis je ne touche pas à Bernart, c'est juste un [strike]mon seul[/strike pote green


Bon je file faire tout ce qu'il faut faire super


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MessageSujet: Re: Sybille de Déols    Sybille de Déols  EmptyMar 11 Déc - 21:37

Henri de Champagne  a  dit:
Sybiiiiiiille **


Ah toi ici bou bam
Comme je te l'ai déjà dit, j'adore cette fiche ** Sybille est un personnage super intéressant et je suis super fière d'avoir été présente à sa conception 8D.
Et Henri n'a pas dit son dernier mot sword


Bienvenuuuue lick
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MessageSujet: Re: Sybille de Déols    Sybille de Déols  EmptyMer 12 Déc - 9:51

Sybille de Déols  a  dit:
Oh... toi ici ? bou **

Merci encore une fois ** Tu peux être fière d'avoir été là à la naissance de cette petite Syb, elle n'aurait pas été aussi chouette sinon super

Henri a toujours un dernier mot à dire... bavard What a Face


Enfin merci ! Nous allons faire de grandes choses perv
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MessageSujet: Re: Sybille de Déols    Sybille de Déols  EmptyMar 15 Jan - 22:52

Invité  a  dit:
Tchous Marie, hein qu'on porte de chouettes prénoms nous deux, les autres à côté sont trop moches ! Nous on a la classe ! Cool

J'ai lu ta fiche quand tu l'as posté puis je l'ai relue et franchement bravo, cette petite Sybille a de l'avenir ! green

Je compte bien entendu te croiser en rps un de ces 4 !!! What a Face
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