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 « On a dit que la beauté est une promesse de bonheur... Quel mensonge! » ▬ Aliénor

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Aliénor d'Aquitaine

Aliénor d'Aquitaine

Aujourd'hui, je suis reine autrefois j'étais libre

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Mon coeur est: habité des vers d'un merveilleux poète
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MessageSujet: « On a dit que la beauté est une promesse de bonheur... Quel mensonge! » ▬ Aliénor   « On a dit que la beauté est une promesse de bonheur... Quel mensonge! » ▬ Aliénor EmptyDim 18 Nov - 16:25

Aliénor d'Aquitaine  a  dit:
Aliénor d'Aquitaine

« Je gagne ma vie avec mon intelligence. »


Je m'appelle Aliénor d'Aquitaine et suis né en 1122, je suis donc agé(e) de 29 ans, à Poitier, je suis donc Aquitaine. Pour de nombreuses raisons que je vous exposerai plus tard, je suis fidèle à moi-même. Pour ce qui est de mes sentiments, bien que je n'aime pas en parler ainsi, je suis mariée, mais mon coeur appartient à un autre. Mon visage? Il s'agit de Annabelle Wallis trouvé sur tumblr&bazzart
Derrière l'écran il y a Cécile/Vintage Phonic, j'ai 22 ans, je travail/fais des études de histoire. J'ai connu le forum via moi même, et je pense qu'il est parfait *-*, mais d'après moi il y manque de l'action. Je suis plutôt ACTIVE, je fais de mon mieux pour y arriver. Et pour finir j'ai hâte que ce forum décolle!!


    Halte-là, voyageur ! Dis-nous donc qui est ton maître, et les raisons qui t’ont poussé à lui prêter allégeance ! Est-ce par conviction, par intérêt, par obligation ? L'Aquitaine est ma maîtresse, elle est ma raison de me battre et de ne pas abandonner, je me dois de la protéger. Je le fais pour mes ancêtres qui n'ont jamais abandonné, mais surtout pour mon père adoré qui n'a jamais cédé devant personne. En tant que sa digne héritière, je le lui dois, mais je me le dois aussi à moi-même, pour l'honneur!
    Si une guerre venait à éclater entre l’Aquitaine, la France, la Normandie et l’Angleterre, que ferais-tu ? Prendrais-tu part au combat ? De quel côté ? Ou bien resterais-tu à l’écart ? Bien qu'en tant que reine de France, ce pays qui ne m'a apporté que des malheurs, je me doive d'être de son côté, je tenterai au maximum de préserver les intérêts de mon duché, en appaisant les tentions. Quand à prendre part au combat, ce n'est pas l'envie qui m'en manque, mais ma condition me l'interdit hélas.
    Toutes ces alliances, ces mariages… Qu’en penses-tu ? Servent-ils tes intérêts ? Ou chercherais-tu à les rompre ? Evidemment, je cherche à rompre le mien. Il n'a été qu'une erreur et un enfer tout le long de notre vie, Louis ne me supporte pas plus que je le supporte, quand à l'avoir aimé... Peut être, au tout début, quand nous n'étions encore que des adolescents peu conscients de notre condition. Il est temps de faire passer l'Aquitaine sous de meilleurs drapeaux.
    Enfin, dis-nous un peu : plutôt bal ou plutôt tournoi ? Plutôt guerre ou plutôt paix ? Plutôt amour courtois ou plutôt croisade ? J'aime les tournois qui montrent la bravoure des chevaliers, et les bals où l'on s'amuse jusqu'au lever du jour. L'amour courtois est ma passion, importé avec moi depuis l'Aquitaine, la croisade m'a changée à jamais.


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Aliénor d'Aquitaine

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MessageSujet: Re: « On a dit que la beauté est une promesse de bonheur... Quel mensonge! » ▬ Aliénor   « On a dit que la beauté est une promesse de bonheur... Quel mensonge! » ▬ Aliénor EmptyMar 11 Déc - 17:22

Aliénor d'Aquitaine  a  dit:
L'héritière d'Aquitaine


-Père !!! hurla la fillette de huit ans en courant dans les bras du duc Guillaume.

L’homme, la trentaine belle, saisit sa petite fille dans ses bras et la souleva de terre à bout de bras, la faisant rire aux éclats. Guillaume, une barbe de quelques jours au visage, venait de revenir de pèlerinage, un long pèlerinage d’un mois et demi – ce n’était pas pour rien qu’on l’appelait « le saint », et ses deux filles lui avaient énormément manqué. Surtout l’aînée, Aliénor, car la cadette, Pétronille, n’était encore qu’une petite fille aimant jouer à la poupée. Depuis quelques mois que son frère cadet Guillaume était mort, Aliénor était son héritière. La seule, l’unique. Et il savait déjà qu’elle était intelligente, et rusée surtout, deux qualités indispensables pour une duchesse. A ceci s’ajoutait une beauté qu’on devinait déjà sous ses traits encore enfantins. Après avoir fait rire l’enfant, il la reposa à terre, et fit mine de se masser les épaules.

-Bientôt, ma fille, vous serez trop grandes pour ces jeux d’enfant. Et moi, je serai trop vieux…

L’enfant se mit à rire.

-Vous ne serez jamais trop vieux, Papa !

Elle passa ses bras autour de sa taille et posa son menton sur son ventre, de manière à le regarder, et voir le ciel. De sa petite taille, son père lui paraissait un géant. Mais un gentil géant, pas comme ceux des contes des troubadours, non. Un géant protecteur, aimant, tendre, qui serait toujours là pour la protéger. Ses yeux d’enfants n’imaginaient pas la vie autrement. Bien sûr, elle n’était pas sotte. Ces mois passés, elle avait dut subir la mort de son frère, ce petit garçon si plein de vie avec qui elle regardait en cachette les chevaliers s’entrainer bien que cela soit censé lui être interdit de par son statut de noble dame, mais qui s’en souciait ? Qui osait gronder la fille du duc d’Aquitaine ? Personne ! Ils étaient intouchables. Et pourtant, cette petite tête aussi brune que son père, si plein de vie, était devenu tout blanc, aussi blanc que ses draps se rappelait-elle, et avait finit par s’éteindre. Elle avait vu sa mère pleurer, pleurer, et pleurer encore, sans pouvoir s’arrêter, au point qu’elle en avait été toute desséchée, et qu’à son tour, elle avait disparue. Elle s’était endormie, avait expliqué leur gouvernante à sa petite sœur Pétronille. Aliénor savait que Pétronille était une enfant, qu’elle était fragile, et qu’il fallait la protéger encore des duretés de la vie, mais Aliénor était une grande, elle allait avoir neuf ans bientôt, et on n’avait plus à la protéger, à lui cacher des choses. C’était du moins ce qu’elle avait décidé. Elle serait la personne la plus éclairée de son temps ! Et elle avait aussi décidé de ne jamais pleurer, parce que pleurer, ça rend faible, et quand on est faible, on meurt. C’était du moins ce qu’elle avait pu voir avec sa mère. Et elle ne voulait pour rien au monde risquer de faire la même erreur.

Son père passa une main aimante sur son petit visage, et elle lui sourit, avant de lui échapper pour courir jusqu’à sa sœur qui arrivait, sa poupée de chiffon à la main.

-Regarde qui est là, Pétronille !

La petite, intimidée par la grande stature de cet homme qu’elle voyait si peu, baissa les yeux. Le duc Guillaume, attendrit, la prit dans ses bras elle aussi et la serra contre son cœur. Pétronille finit par rire à son tour, et le duc rit lui aussi. Puis, il la reposa à son tour, et Aliénor prit la main de sa cadette.

-Viens, allons jouer !

Main dans la main, les petites s’éloignèrent en courant, pour s’installer à l’ombre d’un des grands saules du parc du château de Poitier. Aliénor prit la poupée de sa sœur, et commença à lui mimer une histoire qu’elle avait apprise par l’un des nombreux conteurs passant au château. Depuis que son grand père, Guillaume IX, dit le Troubadour, avait mit ces histoires chantées à la mode, la coutume était restée en Aquitaine, à la plus grande joie de tous, qui aimaient vibrer à la musique de ces chansons qu’ils ne connaissaient pas toujours, ou qu’ils prenaient plaisir à réécouter.

Le duc Guillaume sourit en voyant ses filles. Aliénor était si forte… Pourtant, la mort de son fils et de son épouse l’avait plongé dans une immense détresse. Non seulement, il avait perdu cet enfant qu’il aimait tant et cette femme qu’il avait toujours respecté, mais il n’avait plus de fils, et cela laissait le duché à la porté de tous les ambitieux. Il suffisait pour cela d’enlever Aliénor et l’épouser de force… C’était bien sûr imaginer le pire. Ses vassaux le respectaient, et il était certain que rien ne se passerait de la sorte, du moins pour le moment. Aliénor était encore une enfant. Il s’assit sur un banc, pour profiter du bonheur de ses filles, auxquelles les affaires du duché et sa profonde piété l’arracheraient bien vite, et se perdit dans ses réflexions. Il lui fallait deux choses, pour assurer l’avenir de son territoire : se remarier, et avoir un fils, un héritier, bien que cela lui coûte à l’idée de remplacer si vite cette femme qui avait été une merveilleuse duchesse, Aénor, et dont son aînée tirait son nom, Aliénor, l’autre Aénor, mais aussi fiancé la petite héritière, pour s’éviter toute sorte de convoitise de la part de ceux de l’extérieur, bien plus dangereux que ceux de l’intérieur, qui lorgnaient déjà sur l’enfant qui n’avait pourtant rien demander, il le savait bien. Il s’en serait presque voulu de poser sur les épaules de cette petite tête blonde encore si jeune un poids si important. Rien n’aurait dut se passer de la sorte. C’était pourtant le début de la vie de sa fille, et elle s’illustrait parfaitement, parce que dans la vie de la future duchesse d’Aquitaine, rien ne se passerait jamais comme prévu. Le destin est parfois bien capricieux et imprévu…

---

-… et je vous assure protection et aide en échange de votre fidélité, baron, répéta une fois de plus la jeune duchesse.

Malgré l’apparent ennui de la tâche, Aliénor jubilait. Aujourd’hui était célébré son quatorzième anniversaire. Pour l’occasion, et pour assurer l’avenir de sa fille aînée, en palliant aux troubles potentiels, le duc Guillaume avait convié tous ses vassaux, et leur avaient fait jurer un nouveau serment de fidélité à la jeune fille. Le duc savait que cela pressait. Malgré son second mariage avec la douce Emma de Limoges, celle-ci ne parvenait pas à lui donner de fils. En désespoir de cause, le duc avait finit par opter pour cette solution. Il pouvait lire à chaque instant la satisfaction de sa fille. A quatorze ans, elle était en train de devenir une femme, chacun pouvait le voir, même lui. Elle était belle, intelligente, cultivée. Dangereuse. C’était pourquoi il avait insisté pour cela. Il ne pouvait pas se permettre la moindre erreur, pour la sécurité de l’Aquitaine. Guillaume avait pourtant craint qu’à un moment ou à un autre, elle finisse par s’ennuyer et donne des signes d’agacement. Sa fille n’était hélas pas la personne la plus patiente au monde. Mais elle aimait trop être le centre de toute l’attention à cet instant précis pour avoir envie que cela s’arrête, il le sentait bien et cela l’avait grandement rassuré. Pourtant, il fallait bien que la succession des chevaliers, comtes et autres nobles finisse par s’arrêter. Et pour satisfaire le penchant d’Aliénor pour cette nouvelle mode qui voulait qu’on fasse venir en plus des bateleurs, des musiciens et des poètes, Guillaume avait convié les plus fameux. Il savait que l’adolescente en serait en joie.

Cette nouveauté se développait d’ailleurs également chez les jeunes chevaliers, avait-il pu remarquer. Ils étaient aussi bons avec une lance et une épée, qu’une plume et une vielle. C’était à se demander ce qu’était cette génération. Mais sans doute Guillaume était-il devenu trop vieux pour comprendre, se dit-il avec un sourire amusé. Enfin le dernier féal se releva, et Aliénor arborait toujours ce sourire de reine sûre d’elle-même qui ne l’avait pas quittée de la soirée. Guillaume allait lui tendre la main pour l’aider à se lever, mais on avait été plus rapide que lui. Son frère cadet, Raymond, venait de s’en charger. Guillaume fronça les sourcils. Son frère était bien plus jeune que lui. Il avait 21 ans, soit 16 ans de moins que lui, il était beau, avait de la prestance, et le duc savait de source sûre que le jeune comte de Poitier faisait chavirer le cœur de bien des dames. Rien de bien méchant en somme, si ce n’était que lui et son aînée étaient dangereusement proches ces derniers temps. Un peu trop d’ailleurs. Et il n’aimait pas vraiment les regards qu’ils se lançaient. Non seulement parce qu’ils étaient oncle et nièce, mais aussi parce que cela risquait de briser les fragiles fiançailles entre le jeune comte et l’héritière de la principauté d’Antioche. Mais Guillaume se rasséréna, dans un mois, son frère sera parti pour la Terre Sainte, et il n’y aurait plus de problème. Voyant que son aînée semblait parfaitement savoir ce qu’elle faisait, le duc se concentra sur sa cadette, qui semblait quand à elle bien triste qu’on ne lui accorde pas plus d’attention.

Raymond détailla sa nièce. Elle avait vêtu une magnifique robe rouge en soie, ses cheveux blonds attachés en chignon sur sa nuque, elle portait la couronne ducale jadis arborée par sa mère. On avait l’impression qu’elle avait quelques années de plus et ce n’était pas pour lui déplaire. Oui, ils étaient proches. A vrai dire il avait l’impression d’être plus proche d’elle que de son frère. Il n’y avait que sept ans d’écart entre la jolie jeune fille et lui. Et elle ne lui rendait pas la tâche facile. Sure de son pouvoir et de sa beauté, Aliénor le provoquait intentionnellement, il le savait, et il répondait. Ce jeu, qui en avait été un au début, était devenu un danger. Pourtant, Raymond était voué à des terres lointaines et cela le rassurait. Loin d’Aliénor qui ne semblait pas vouloir voir le mal dans leur relation contre nature, il était certain qu’il ne tenterait rien.

Il l’invita à ouvrir le bal, et elle le fit avec la plus grande joie. Il n’y avait pas à dire, de toutes les dames de l’assistance, elle était de loin la plus belle. Tous pouvaient le dire. Pourtant, cela ne dura pas. Oubliant les promesses qu’il venait de se faire, Raymond suivit Aliénor quand elle le prit par la main pour s’éclipser alors que la fête battait son plein. Personne ne vit rien de leur départ, pas même le duc, qui, au loin, semblait en grande discussion avec l’ambassadeur de France. Ils n’avaient pas franchis deux couloirs que Raymond plaqua Aliénor contre le mur et prit ses lèvres avec une violente passion. Elle s’accrocha de toutes ses forces au pourpoint du jeune homme, et le sourire qu’elle avait jusque là s’était totalement effacé. Entre leurs bouches scellées l’une contre l’autre, Raymond pu sentir un gout d’eau salée, des larmes, et ce n’étaient pas les siennes. Se reculant pour reprendre sa respiration, il la regarda, et vit ce qu’elle s’efforçait de cacher à tous depuis qu’elle était au courant de l’affaire. Inutile de lui demander pourquoi elle pleurait, il s’en doutait bien.

-Jure-moi que tu ne m’oublieras pas, supplia-t-elle.

Ses mains avaient glissé sur la chemise du chevalier, et commençaient à en défaire les boutons un par un. La peur d’être surpris ne les effleurait même pas. Qui aurait osé s’aventurer dans le palais ducal sans y avoir été invité de toute façon. Raymond caressa la joue d’Aliénor de la paume de sa main, alors qu’elle continuait lentement mais surement son ouvrage. L’oublier ? Alors qu’il quittait la femme la plus brillante qu’il ait jamais rencontrée et rencontrerait surement jamais, pour une gamine qui certes, lui apportait Antioche, mais n’égalerait surement jamais Aliénor.

-Comment t’oublier ? répondit-il simplement.

Elle lui sourit à travers ses larmes, et se hissa sur la pointe des pieds pour prendre possession de ses lèvres à nouveau. Les dernières maigres résistances du comte de Poitier s’évanouirent, et il releva les jupes de l’adolescente.

-Mon Dieu, pardonne-moi, murmura-t-il.

Le jour de ses quatorze ans, dans les bras de son premier amour, Aliénor devint une femme, celle qu’elle était censée être.


---

Les cloches de la cathédrale Saint-André de Bordeaux sonnaient lugubrement dans cette matinée qui ne semblait pas faite pour ce genre d’évènements. Le soleil brillait de mille feux dans cette journée de fin avril. Il avait fallut plusieurs semaines pour rapatrier le corps du duc de là où il était mort, quelque part dans les Pyrénées. Pour un énième pèlerinage auquel il se rendait, à Saint-Jean de Compostelle cette fois-ci. Sa dévotion avait fini par le tuer. Aux côtés d’Aliénor, dans la nef, Pétronille pleurait toutes les larmes de son corps sous son voile noir. Aliénor, à son côté, ne pleurait pas, comme elle se l’était promit étant enfant. Ne jamais pleurer, ne jamais se laisser aller. Etre toujours forte, même ce jour où on enterrait son père. Elle était la nouvelle duchesse d’Aquitaine, à quinze ans. Tout comme sa sœur, elle était drapée dans une robe et un voile noir, ses longs cheveux blonds laissés libres sur ses épaules. Elle gardait le regard fixé sur le cercueil qui allait enfermer son père à jamais. Ce père chéri qu’elle avait aimé doute sa vie et qu’elle continuerait d’aimer par delà sa mort. Elle s’était jurée de le rendre fière, elle n’avait pas d’autre choix que de respecter encore plus ce serment maintenant qu’il n’était plus. En son nom, elle ferait perdurer l’aquitaine, parce qu’il s’était battu pour elle, et qu’elle ferait de même. Il s’agissait de leur terre. Jamais elle ne l’abandonnerait.

Alors que les cantiques s’élevaient dans le ciel, la jeune fille songea que son père en aurait été ravi. Il avait vécu toute sa vie pour cela, après tout. La religion, Dieu… Il aurait fait un excellent moine, mais il avait aussi été un duc d’exception. Bien sûr, il n’avait pas égalé son propre père, mais il avait toujours été juste et bon. Aliénor prit la main de Pétronille dans sa main. L’enfant, âgée de onze ans, se laissa faire, en songeant que sa sœur était bien courageuse, bien plus qu’elle ne le serait jamais. A quelque pas des deux jeunes filles, Emma de Limoges, la seconde épouse de leur père, semblait elle aussi très affectée. Douce et prévenante, elle avait essayé de se comporter comme une mère auprès des deux adolescentes. Ce qui avait quelque peu fonctionné avec Pétronille n’avait guère eut d’effet sur Aliénor. La jeune fille la reconnaissait en tant que duchesse et lui montrait tout son respect, mais jamais elle ne l’aurait appelé « maman ». Et maintenant que leur père n’était plus, Emma, duchesse douairière, n’aurait jamais de légitimité sur l’Aquitaine, si jamais elle en avait jamais voulu. Mais Emma n’était pas si intéressée. Veuve d’un premier mariage, Aliénor soupçonnait qu’elle ne demandait qu’à retourner sur les terres de ce premier mari et d’y rester vivre en paix. La jeune fille n’y voyait absolument aucun inconvénient. Si Emma n’avait pas été celle qui avait remplacé sa mère dans le lit de son père sans doute aurait-elle beaucoup apprécié cette femme qui n’avait toujours été que bonté avec elle, mais ce n’était pas le cas. Alors, si Emma était aussi désintéressée qu’elle y paraissait, pourquoi ces messes basses avec l’abbé Suger juste avant la messe d’enterrement ? La jeune fille ne comprenait pas. Suger, proche, trop proche du roi de France, était venu en son nom rendre hommage au duc d’Aquitaine lors de cette dernière messe à sa mémoire. Le roi de France, vieux, malade, ne pouvait plus se déplacer. On soupçonnait que lui non plus ne verrait pas le prochain Noël. Mais cela semblait si lointain à Aliénor, si abstrait… Elle aurait surement dut plus s’en préoccuper, hélas…


-JE NE L’EPOUSERAI PAS !! hurla la jeune fille, hors d’elle, en saisissant le face à main sur sa coiffeuse avant de le jeter à terre où la glace se brisa en mille morceaux, et où le ciselage de l’objet se froissa.

Aliénor fulminait. Comment osait-on ? Comment pouvait-on ? Elle venait à peine d’enterrer son père, quelques heures plus tôt, et sa belle-mère venait de se faire inviter dans ses appartements pour lui apprendre qu’elle venait d’être fiancée, sans qu’on ait eut le temps de lui demander son avis ? Son père… Son père n’avait pas pu lui faire cela. Il lui avait toujours promis de la consulter avant de faire quoi que ce soit ? Oui… peut être… mais maintenant il était mort… Non seulement il ne pouvait plus rien lui dire, mais en plus tous ses pleurs et toutes ses larmes ne pourraient plus rien faire pour changer sa décision. Aliénor se laissa tomber à terre pour essayer d’étouffer sa rage, qui ne faisait pourtant que croitre. Elle n’arrivait pas à croire qu’elle était, d’une certaine manière condamnée à cela. Emma de Limoges s’approcha d’elle, et voulut poser une main sur son épaule pour la réconforter, mais Aliénor la repoussa d’un mouvement d’épaule, accompagné d’un regard noir. Emma recula, en soupirant.

-Aliénor, je vous en prie. Vous êtes duchesses maintenant et…

-Oui, je suis duchesse, et pour cela, je refuse ce mariage. Vous savez ce qu’on dit de lui ? Que son père l’a tiré du couvent en désespoir de cause quand son frère est mort de cette chute de cheval. Un moine roi ! Et si encore il avait la prestance d’un croisé… Mais il n’en est rien ! Il n’est qu’un pantin entre les mains de Suger.

Emma attendit que le venin d’Aliénor se soit tarit pour reprendre la parole comme si la jeune fille ne l’avait jamais coupée.

-Et parce que vous êtes duchesse, vous vous devez de faire ce qui est bon pour votre duché. Malgré le serment que vos vassaux vous ont juré, combien de temps se passera-t-il avant que l’un d’entre eux ne vous enlève et ne vous épouse de force ? Au moins, avec le contrat passé entre le roi et votre père, l’Aquitaine restera sauve, et souveraine. Vous l’amenez en dot. Voulez-vous voir un traitre sur le trône ducal ?

Précautionneusement, Emma entreprit de ramasser les morceaux de verre brisé et les enveloppa dans un chiffon pour ne pas se couper.

-Vous êtes belle, Aliénor, et surtout, vous êtes une femme de caractère. Vous dites que le dauphin est un sot ? Eh bien à vous d’en faire un homme à votre mesure. Forgez-le. Vous en êtes bien capable. Votre père vous aimait, mais sa maîtresse préférée était cette terre que vous chérissez autant que lui. Il voulait vous l’annoncer lui-même, il n’en a pas eus le temps…

La voix d’Emma se brisa dans un sanglot. Aliénor releva la tête vers elle, un rien surprise. Cette femme, elle ne l’avait jamais aimée, et pourtant, à cet instant, elle lui faisait presque de la peine. Un deuxième veuvage. Etait-ce ce qu’Aliénor allait vivre aussi, ou au contraire, son mari l’enterrerait-il en premier ? Se ferait-elle à Paris ? Elle avait protesté parce que tout en elle hurlait que c’était injuste. Tout, sauf peut être sa raison qui savait que c’était ce qu’il y avait de mieux pour l’Aquitaine. Mais Emma, en maîtresse femme, se reprit très vite, et malgré sa peine, releva la tête. Guillaume avait été un homme bon et elle avait regretté de ne pas lui donner le fils qu’il voulait et qu’il méritait.

-Je resterai jusqu’à votre départ pour vos épousailles, à la fin de votre période de deuil. Je sais que vous ne m’avez jamais aimée, Aliénor, mais par respect pour votre père, je ferai ce que j’ai à faire avant de me retirer sur mes terres. Avec votre sœur si vous le permettez, elle est bien trop jeune pour vous suivre à Paris.

La duchesse douairière fit un pas vers sa belle fille et lui remit les cheveux en place dans un geste maternel que pour une fois, Aliénor accepta. Emma se laissa même aller à lui déposer un baiser sur le front.

-Reposez-vous, vous en avez besoin.

Et, emportant le miroir brisé, Emma quitta la pièce, laissant Aliénor seule. Une Aliénor qui se rendait compte qu’elle venait de prendre sa première leçon par une femme bien meilleure qu’elle. Elle se promit de tâcher de s’en souvenir. Et puisqu’elle allait devenir reine de France, autant en prendre son parti et éblouir le monde.


---

Les cloches de la cathédrale Saint-André de Bordeaux sonnaient cette fois-ci à la volée, en ce 25 juillet 1137. Aliénor, vêtue d'une somptueuse robe de velours et soie rouge sang et dorée, aux couleurs de l'Aquitaine, venait d'épouser Louis VI, garçon mince et maladif, bien loin du preux chevalier en armure qu'avait put être son père. Ne sachant que lui dire, elle se contentait de temps à autre de lui jeter un petit regard en biais, évitant soigneusement le contacte visuel avec lui. Depuis plusieurs jours, c'était la folie. On ne célèbre pas un mariage royal tous les jours. Bordeaux était en effervescence. Cela faisait une semaine qu'on ne trouvait plus à se loger dans la ville, car il était hors de question qu'un seigneur, quel que soit son importance, risque de manquer l’événement. Dire qu'être à ce point importante ne flattait pas l’ego d'Aliénor aurait été mentir. Au contraire, elle faisait en sorte d'être encore plus belle et désirable malgré son jeune âge. Elle refusait catégoriquement de risquer le moindre faux pas pour ce mariage. Son mariage. Elle en était le personnage principal, en duo avec ce futur époux à qui elle n'avait été que très brièvement présentée deux jours auparavant quand il était arrivé avec toute la délégation française, Suger en tête. Si Louis lui avait parut bien fade, au premier abord, parlant peu, et ayant l'air plus d'un moine que d'autre chose à cause de ses années passées en monastère où il était d'ailleurs destiné à entrer auparavant, l'abbé Suger, lui, lui avait fait un très mauvais effet. Il semblait avoir toute influence sur le jeune hériter du trône. Meilleur ami du vieux roi, il était excessivement proche de la famille royal. Peut être un peu trop au goût d'Aliénor qui sentait déjà au plus profond d'elle-même qu'elle n'allait pas beaucoup s'amuser à la cour de France bien qu'elle continua d'espérer qu'il n'en soit rien.

Au bras de son époux, elle souriait aux nobles présents, en remontant l'allée, souriante, avenante. Dans quelques mois, elle serait sacrée officiellement reine de France. On lui avait expliqué que même si elle épousait Louis, l'Aquitaine ne lui revenait pas en propre. Elle en restait la duchesse en titre, il ne s'agissait que d'une tutelle suzeraine. Les détails, elle ne les avait pas vraiment suivit, mais l'idée principale était que l'Aquitaine restait sa terre à elle seule, et cela la rassurait. C'était après tout la seule chose qui, au fond, lui importait. Préserver la terre de son enfance et ces souvenirs qu'elle en avait, ceux qu'elle allait y créer encore. Pétronille, sa petite sœur, dans une jolie robe bleue azure, pouffa au passage de son aînée. Elle respira la joie de vivre et un instant Aliénor l'envia, avant de lui jeter un regard faussement sévère. Les deux immenses bâtant de la cathédrale s'ouvrirent, et la foule bordelaise put crier des « vivats » à l'approche du nouveau couple royal. La cérémonie avait parut d'un ennui mortel à la jeune souveraine, alors que son nouvel époux semblait lui en avoir méditer chaque instant. Elle eut peur un instant, peur que leur différence soit un risque trop grand pour leur entente qui promettait déjà d'être compliquée. Avait-on déjà vu couple plus mal assorti ? Aliénor sourit pourtant à Louis, alors qu'elle s'installait dans la litière pour regagner le palais de l'Ombrière, demeure des ducs d'Aquitaine, où les festivités étaient prévues.

-Merci, lâcha-t-elle tout de même à son époux qui l'avait aidée à se mettre à sa place, malgré sa lourde robe.

Louis lui avait sourit. Peut être que tout n'était pas perdu en fin de compte, mais elle n'osait en être sûre.

La fête dura toute la journée et ne s'acheva pas quand les deux jeunes gens furent menés à leur chambre, celle qui avait jadis appartenu aux parents d'Aliénor. Il lui sembla un rien étrange qu'elle lui serve de chambre nuptiale, mais enfin, il en était ainsi, comme tous les ducs – et duchesses – d'Aquitaine avant elle. Aliénor n'eut pas peur le moins du monde lorsqu'elle se glissa dans les draps au côté de Louis. Après tout, même si elle n'avait pas eut d'autre amant que Raymond, elle savait déjà ce qui l'attendait, bien qu'elle sache déjà que Louis ne pourrait pas tenir la comparaison. Bien qu'il ait été un amant tendre et attentionné, tout au long de cette « première nuit », Aliénor se doutait qu'elle allait devoir mener bien des batailles pour être reconnue comme elle le désirait, bien plus importante qu'un ventre qu'on attendait pour porter les enfants de France. Elle était désormais unie à Louis, qui serait son mari jusqu'à ce que la mort les sépare. Du moins le croyait-elle, et lui aussi.



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MessageSujet: Re: « On a dit que la beauté est une promesse de bonheur... Quel mensonge! » ▬ Aliénor   « On a dit que la beauté est une promesse de bonheur... Quel mensonge! » ▬ Aliénor EmptyJeu 13 Déc - 4:32

Aliénor d'Aquitaine  a  dit:
La Petite Reine


Mars 1138. Dans sa chambre, Aliénor grelottait. Sa fureur ne suffisait même plus à la réchauffer. Son sacre, en décembre dernier, avait réunit la plupart des vassaux et c'était passé exactement comme prévu. Pourtant, malgré le statut indépendant de l'Aquitaine, jamais elle n'avait été admise en conseil royal. Elle était la reine, que diable ! Et jamais dans son contrat de mariage il n'avait été précisé que l'Aquitaine revenait entièrement et souverainement à Louis. Louis, cet époux qui se montrait pourtant attentionné et parfois même tendre quand il essayait. Mais cela ne suffisait pas à la jeune femme. Et pourtant, elle n'avait même plus la force de se battre. Car un autre combat, bien plus futile vu de l'extérieur, mais bien plus important, lui prenait toutes ses forces. Celui contre Adèle de Savoie. Cette belle-mère froide, distante, rigide et surtout dominatrice qui passait son temps à lui dire quoi faire, quoi dire, comment s'habiller et comment se comporter. Deux femmes n'auraient pas pu être plus différentes. A seize ans, Aliénor n'avait qu'une envie, faire comprendre à cette femme sortie d'un autre temps qu'il était temps de passer la main. Elle ne lui laissait qu'à peine ouvrir le courrier qu'elle recevait sans l'avoir ouvert auparavant. Aliénor avait prié, supplié, hurlé, tempêté auprès de Louis pour qu'il dise à sa mère de s'occuper de ses affaires, mais rien n'y faisait.

Pourtant, elle s'était sentie si puissante dans la cathédrale, en décembre, à la Noël, quand on avait posé la couronne des reines de France sur son jeune front. Elle était vraiment décidée à ne pas se laisser avoir, à ne pas se laisser marcher sur les pieds et puis... Et puis elle s'était rendue compte de ce qu'était Paris. Une ville grise, triste, sale, mal odorante. Où était donc sa cour éclairée de Bordeaux ? Où étaient les couleurs de son sud natal, les rires, les chants ? Tout cela avait été banni par sa belle-mère qui avait décidé qu'il était temps d'être un peu plus sérieuse. La jeune reine avait d'abord cru qu'elle parlait de politique, mais il n'en était rien, hélas, à son grand regret. Si son sérieux était de se contenter de prier pendant que les jours passaient, eh bien Aliénor allait dépérir, avant d'avoir donné un héritier à Louis. Mais elle ne pouvait se le permettre. Il fallait qu'elle fasse un effort sur elle-même et s'essaye à la plus difficile des vertus pour une femme de son tempérament : la patience. Quelle horreur, attendre, et faire semblant qu'elle était exactement celle qu'on attendait qu'elle soit. Combien de temps tiendrait-elle ? Elle était incapable de le dire elle-même. Mais la patience portait toujours ses fruits, du moins était-ce ce qu'on disait, alors, autant s'y essayer.

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Un an. Aliénor avait tenu un an. Un an de brimades, de réflexions, de regards courroucés ou lassés de son comportement. Et elle avait décidé qu'elle ne tiendrait pas un jour de plus. La patience n'avait servit à rien, voyons maintenant ce que donnaient les actes. Elle avait choisit une magnifique robe d'un bleu soutenu, s'accordant à merveille avec ses yeux, et, sa couronne solidement posée sur un magnifique chignon parfaitement tressé, avec pour unique parure un sautoir en or, cadeau du roi qu'elle avait tenu à arborer en ce jour d'affront à l'égard du monde, pour montrer à Louis qu'elle ne le défiait pas lui, mais ses institutions, elle marchait d'un pas décidé jusqu'à la salle du conseil du palais de la cité, qui lui paraissait tout aussi glacial et aussi lugubre qu'un an auparavant. Les deux gardes à l'entrée, semblaient surpris de voir la jeune reine en face d'eux, mais la jeune femme semblait sûre d'elle, du moins en apparence, car intérieurement, elle bouillait, et tremblait. Ce qu'elle s'apprêtait à faire n'avait rien de très acceptable à la cour de France. Mais elle tenait de son grand-père, la duc Guillaume le troubadour, qui ne s'en laissait jamais conter, et dont elle n'avait que quelques souvenirs, il était alors qu'elle avait quatre ans. Prenant son courage à deux mains, la duchesse d'Aquitaine inspira un grand coup avant de lancer d'une voix forte :

-Ouvrez les portes.

Les deux hommes se regardèrent, un rien embarrassés.

-C'est que, votre majesté, le roi est en conseil et que...

-Le roi ? Eh bien dois-je vous rappeler que je suis la reine ? Sacrée devant Dieu et les hommes, alors ouvrez cette porte. Tout de suite !

Si le ton était calme, il s'était fait plutôt glacial. Et finalement, après un énième regard échangé, les portes s'ouvrirent sur la jeune femme, ravie d'avoir déjà gagné cette première bataille, mais la guerre restait encore à faire. La guerre des nerfs. Tous les seigneurs étaient assis autour de la table, mais également Adèle de Savoie, ce qui aurait presque put faire tourner les sangs de sa belle-fille si elle ne s'était pas juré de rester aussi stoïque que possible. Elle avait fait en sorte que Louis lui interdise la salle du conseil ? Eh bien elle allait voir !

-Puis-je vous aider, ma dame ? Lui demanda Louis, une fois revenu de sa surprise.

Aliénor fit le tour de la table et s'installa sur une chaise libre à son côté, déployant ses jupes avec majesté.

-Non, je vous remercie, monseigneur, tout va pour le mieux.

Elle lui sourit, tendrement, avant d'adresser un regard hypocrite à Adèle de Champagne, qui, malgré sa retenue et sa discrétion, bouillonnait, Aliénor le voyait bien. Son regard se posa alors sur Suger, qui semblait lui aussi surprit, mais pas vraiment offusqué. Il fut d'ailleurs le premier à revenir de sa surprise et demanda poliment à Aliénor, plus pour la forme elle en était certaine :

-Doit-on reprendre pour votre Majesté ? Toutes ces histoires de domaines sont d'un ennui et d'un compliqué...

La pique la fit tiquer, mais fidèle à sa promesse, elle se retint d'exploser au visage du conseiller du feu roi qui, selon Aliénor, comme la reine mère, avait droit à une retraite bien mérité :

-Non, je vous remercie, continuez, je vais essayer de suivre ces histoires si... « ennuyeuses et compliquées » qui concernent pourtant le peuple dont je suis désormais la reine.

Elle avait accompagné sa réponse de son plus beau sourire, alors que la réunion reprenait. Soyons honnêtes, elle n'y comprit pas grand chose, n'ayant pas suivit les précédentes discussions et les tenants et aboutissants de l'affaire, mais il en fallait plus pour la décourager. Elle se doutait bien que tous attendaient qu'elle renonce dès la première parution. Une jeune fille qui accorde autant de soin à sa toilette ne peut être que futile et volage. Quand on est reine de France, on se doit d'être humble et réfléchie. Eh bien ils allaient apprendre à qui ils parlaient. Deux semaines plus tard, Aliénor avait comprit les principaux points des affaires en cours et si elle n'était pas encore une politicienne aguerrie, au moins réussissait-elle à suivre, impressionnant Louis, et parfois même Suger. Ce n'est pas sans surprise que finalement, au cours de l'été suivant, Adèle de Champagne annonça son intention de se retirer de la cour. Aliénor se retint d'en sauter de joie. La reine mère avait d'ailleurs bien comprit que la jeune femme avait reprit l'ascendant sur son époux. Il n'y avait qu'à voir les changements de décoration dans le palais, et l'arrivée, peu à peu, de quelques trouvers et jongleurs. Toute sa vie, Aliénor se rappela des paroles de sa belle-mère alors que celle-ci lui passait les clefs des appartements royaux dans la ceinture qu'elle portait à la taille, alors que ce jour là elle portait une magnifique robe jaune dont la couleur vive déplaisait vivement à la mère de son époux :

-Etre reine n'est pas un jeu, Aliénor, souvenez-vous en ! Vous n'êtes encore qu'une enfant.

Aliénor avait sourit, pour ne pas dire ricané, et s'était penchée à l'oreille de sa belle-mère :

-Peut être ne suis-je encore qu'une enfant, mais je suis reine, moi.

Il est parfois bien stupide de crier victoire quand on n'a pas encore toutes les cartes en main.

---

Aliénor s'élança dans les escaliers qu'elle descendit comme une folle, ne laissant même pas le temps aux gens qu'elle croisait de reconnaître la reine de France et duchesse d'Aquitaine pour la saluer comme cela se devait. Mais elle n'en avait cure. On venait de lui annoncer l'arriver de son cousin Geoffroy de Thouars, qu'elle n'avait pas vu depuis une éternité. Ecuyer, il accompagnait son seigneur en visite à la cour de France. En tant que cousin de la reine, on lui avait laissé quelques instants de liberté pour la saluer. Aliénor, prévenue, n'avait pas différé l'entretien d'une minute. Si elle savait que son cousin avait toujours été très déterminé et un rien ambitieux, ces qualités – ou défauts, en fonction de votre point de vue – allant en augmentant au fur et à mesure qu'il grandissait, elle n'en faisait pas grand cas à l'instant présent. Des visages amis, ou du moins proches, lui manquaient énormément. La duchesse avait beau avoir dix huit ans et devait se conduire comme une reine, elle n'était plus que la jeune femme ayant besoin de soutient, surtout après les derniers événements. Certes, elle avait réussi à écarter Suger du pouvoir, mais à quel prix ? La commune de Poitiers, et son tempérament parfois trop emporté avait causé un massacre, et quand l'abbé avait voulut essayer d'y remédier, elle ne l'avait pas supporté. Aucun français ne touchait à l'Aquitaine. Elle le regrettait, maintenant, et les mots d'Adèle de Savoie résonnaient parfois dans sa tête douloureusement, l'empêchant de dormir. Emma de Limoges avait tenté de la prévenir, avant son mariage avec Louis, et Adèle de Savoie de la briser, rien n'y avait fait, et elle commençait à comprendre la portée de ses erreurs. Elle était encore une jeune femme, elle apprenait, mais maintenant, elle n'avait qu'une envie, se changer les idées, et l'arrivée de son cousin se faisait à point nommée.

Elle s'arrêta, essoufflée, à l'entrée de la salle d'arme où Geoffroy se trouvait, et sans même prendre le temps de reprendre son souffle, elle courut dans les bras de l'adolescent qui avait déjà le corps d'un homme à force de s’entraîner à guerroyer.

-Geoffroy ! Si tu savais comme je suis contente de te voir, s'écria-t-elle en le serrant à l'étouffer.

Le jeune homme, âgé de quinze ans, lui rendit son étreinte. Enfants, ils avaient toujours été très proches. Le destin les avaient séparés, et les avait changé. Malgré ces modifications évidentes dans le comportement de tout à chacun, ils faisaient tous les deux semblant d'être encore les mêmes, pour se rassurer sans doute.

-Je suis tellement heureux de vous voir aussi, ma cousine. Ma reine ! Rajouta-t-il, un rien railleur.

Il avait déjà ce comportement un rien séducteur, qui lui ouvrirait bien des portes. Il était beau, bon chevalier, et le savait. Resterait à voir s'il ferait ses preuves en tant que seigneur. Elle le repoussa doucement, mi-amusée, mi-agacée, en levant les yeux au ciel. D'autorité, elle prit son bras et l'entraîna à sa suite dans les méandres du Palais de l'Île de la Citée qu'elle avait finit par connaître comme sa poche. L'arrivée de la délégation aquitaine lui faisait chaud au cœur, après le désastre de Poitiers, il était temps de faire table rase.
-Comment vas-tu ? On te dit fiancé, à la petite Lusignan ? Son frère doit être ravi, lui qui a la folie des grandeurs malgré son honneur de preux chevalier. Et Pétronille, comment se porte-t-elle ? Bordeaux est-il toujours aussi beau ?

Geoffroy écouta avec patience le long monologue interrogatif de sa cousine, avec patience, mais un sourire en coin tout de même, avant d'y répondre point par point : oui, il allait bien, et était effectivement fiancé à Aénor de Lusignan. Hugues ? Il n'avait pas trop eut le choix. Pétronille... Eh bien Pétronille s'était entichée de Raoul de Vermandois, mais cela, tout le monde devait le savoir. Aliénor se rembruni. Oui, tout le monde le savait. Le bonheur de sa sœur passait avant tout, bien sûr, et les Blois l'avaient toujours détestée, faire remplacer leur tante au bras de Raoul aurait été une excellente vengeance... Mais n'était-ce pas puéril ? Non, c'était politique. Mais ce n'était pas le moment. La jeune femme ferma les yeux un instant et soupira. Tout allait de mal en pis... Pourtant, Geoffroy fut assez intelligent pour changer de sujet et demanda à la reine des nouvelles de sa santé. La question n'était peut être pas la plus adéquate. Après deux ans de mariage, tout ce qu'Aliénor avait réussi à donner à Louis comme héritier, c'était une fausse couche. Un garçon... Le cœur de la jeune femme en avait été brisé. Louis restait fidèle à lui-même, priant Dieu de lui accorder un héritier, et Aliénor attendait que son époux se décide à partager sa couche, ce qui n'était pas toujours sa priorité, hélas. Cela la désespérait. La conversation continua sur le même ton banal jusqu'au moment où les deux cousins arrivèrent à la salle du trône, où la délégation aquitaine attendait d'être reçu. Tous s'inclinèrent devant la jeune femme, qui salua à son tour les seigneurs qu'elle connaissait, et avec qui elle s'entretint des dernières nouvelles, tout en différent celles d'importance, il n'était pas encore temps. Geoffroy attira de nouveau son attention en la prenant par la main.

-Ma cousine, je vous sais amoureuse des belles lettres et de poésie, et votre lettres voulait claire, vous vouliez donner à la cour de Paris la splendeur de celle que vous teniez en Aquitaine, et y développer à nouveau l'amour courtois ? Eh bien permettez-moi de vous présenter un jeune prodige, Bernart de Ventadour.

Le regard de la jeune femme croisa les yeux bleus du troubadour, et son cœur rata un battement. Le jeune troubadour, qui avait approximativement l'âge de son cousin, vira au rouge pivoine, avant de baisser brusquement les yeux et de s'agenouiller aux pieds de la reine-duchesse pour lui prêter hommage, mais cela ressembla plus à un bredouillement. La jeune femme eut du mal à recouvrer son sang froid pour lui répondre poliment, et l'aider à se relever.

-Eh bien, Bernart ! S'exclama Geoffroy en le prenant par l'épaule, en camarade, je sais qu'il s'agit de la reine, mais je t'ai connu bien plus éloquent.

Geoffroy ne se doutait pas du tout de ce qui venait de se passer entre sa cousine et son compagnon de voyage, mais un amour sans borne venait de naître.

---

« Au lieu de m''avoir jeté dans un conflit sans issu, madame, vous feriez mieux de vous contenter de votre propre rôle, qui est pourtant simple, me donner un héritier ! »

Les paroles dures et froides de Louis tournaient en boucle dans la tête d'Aliénor, qui, malgré toutes ses résolutions, ne pouvait plus retenir ses larmes. 1141 était une année noire pour la France. Agacée par la prétention des vassaux rebelles qui profitaient de l'éloignement de la duchesse pour s'entre déchirer, et l'avidité des seigneurs voisins, elle avait poussé Louis à faire un exemple, avec le compte de Toulouse. De plus, il lui revenait de droit, à elle, par sa grand mère Philippa. Alors il était temps de montrer qui elle était, et surtout qui était le roi de France, car, à travers Aliénor, c'était aussi Louis, son époux, qu'on baffouait. Le roi avait été difficile à convaincre, mais finalement, Aliénor avait eut raison de ses hésitations. Maintenant que Suger était éloigné, elle pouvait enfin avoir une certaine marge de manœuvre. Hélas, ce n'était pas la bonne. La campagne avait été un désastre, et encore, le terme était faible. L'armée française avait été ridiculisée, et Louis ne décolérait pas, tenant son épouse pour responsable, et sans doute, au fond, n'avait-il pas tort. Pourtant, à force de brimades, de remarques et d'accusation, Aliénor n'en pouvait plus. Louis l'accusait de mille maux, mais s'il était réellement le roi qu'il se devait d'être, le fils de son père, plutôt que cet espèce de moine raté qu'il continuait d'incarné, alors, la faute n'était sûrement pas uniquement celle de la jeune femme, elle refusait de l’accepter, de plus, malgré toutes ses insistances, il refusait encore et toujours de la laisser s'occuper de l'Aquitaine, se contentant de la laisser apposer son sceau aux édits et lettres concernant le duché, et cela la rendait folle. Et puis, comment donner un enfant à Louis si celui-ci désertait sa couche ? Mais de cela, elle ne se plaindrait pas. Car depuis un an, y vivait un secret, un amour secret dans les bras duquel elle courait se réfugier, elle la reine froide et décidée.

Des accords de vielles accompagnés d'une voix qu'elle connaissait si bien guidèrent ses pas jusqu'à un petit balcon où son troubadour, Bernart de Ventadour, jouait quelques airs au plus grand plaisir des dames assises sur des coussin autour de lui, disposes en corolle. Aliénor, les yeux rougis par les larmes, resta en retrait, dissimulée par une colonne. Elle refusait qu'on la voit ainsi. Elle écouta les accords de cette chanson qui, elle le savait, avait été composée pour elle depuis deux ans. Officiellement, elle était la muse du poète, qui se le devait, comme tous les autres troubadours de la cour, car elle était la reine, et leur mécène, et passait avant toutes les autres dames, même celles de leurs cœurs, officieusement, elle était bien plus, et lui était plus encore pour elle. Leur amour, puisqu'il durait encore, et avait l'air d'être bien plus fort qu'aux premiers jours, s'était installé comme naturellement. Même aujourd'hui, avec le recule, Aliénor ne saurait exactement expliquer comment Bernart et elle s'étaient retrouvés dans cette position. Elle ne se rappelait que de ce jour de printemps, où Bernart lui avait déclamé ce poème mis en musique devant toute sa cour d'amour, qui l'avait faite vibrée jusqu'au plus profond d'elle-même, et son regard l'avait brûlée. Il avait vu son trouble, bien plus profond que ce qu'il avait pu imaginer, et puis s'en étaient suivis quelques gestes, une main qui effleure celle de l'autre, un regard volé, tout s'était enchaîné naturellement. Pourtant Bernart, malgré ses trois ans de moins, la connaissait bien mieux qu'elle ne se connaissait elle-même, aussi fut-elle à peine surprise quand, au détour d'un couplet, il tourna la tête vers elle, comme s'il avait senti sa présence. Pourtant, pour les apparences, et parce que leur secret avait réussi à être gardé jusque là sans aucune complicité, il prit le temps de terminer sa chanson, de recevoir les compliments, et de se faire prier pour une autre chanson avant de refuser. Les dames s'éparpillèrent dans les couloirs et les allées du palais royal, avant que le jeune troubadour prenne sa vielle et n'aille rejoindre Aliénor qui se blotti dans ses bras, mais se refusa à pleurer encore. Il la serra contre lui, elle était sa reine. Il avait suivit, subit et supporter tous les aléas et les échecs de cette campagne toulousaine, la soutenant quand elle en avait besoin. Dans ce couple interdit, les rôles étaient inversés.

-J'ai peur, murmura doucement Aliénor, comme un aveux arraché qu'elle avait eut tant de mal à formuler.

Bernart la serra encore un peu plus fort sans répondre, se contentant de la bercer en fredonnant l'une de ses chansons, la préféré de sa duchesse. Quand il la sentit calmée, il recula et lui fit relever la tête.

-Je serai toujours là, lui promit-il simplement. Mais rien que ces quatre mots réchauffèrent le cœur d'Aliénor.

Elle hocha la tête. Elle l'aimait bien plus qu'elle n'aurait sut le dire, et ça, le troubadour l'avait bien comprit, elle lui en était reconnaissante. Elle en était sûre, quand elle était avec lui, tout allait mieux. Bientôt, tout irait mieux. Il le fallait...

---

Pourtant, la confiance qu'elle avait réussit à retrouver brûla comme un fétu de paille quelques mois plus tard. Décidée à remettre les grands seigneurs français à leur place, Aliénor avait soutenu les amants interdits qu'étaient sa sœur et Raoul de Vermandois, face au compte de Blois, frère de l'épouse bafouée, certaine du bon droit de sa sœur cadette, et surtout de la leçon qu'elle leur donnerait. Hélas, le conflit tournait mal, surtout depuis que cette église de Vitry en Perthois avait été incendiée, sa population à l'intérieure. La nouvelle avait jeté l'effroi sur la cour de France. Louis s'était enfermé en prière de longs jours durant, et, étrangement, Aliénor avait fait de même. Le remord la frappait. Dieu avait-il décidé de la punir, à cause de son ambition et de cette relation interdite qu'elle entretenait avec Bernart ? Peut être, elle n'en était pas sûre, mais elle le suppliait de la pardonner. Elle aurait même été prête à ce que Suger revienne, mais elle le savait, le vieil abbé n'avait jamais quitté les pensées et le cœur de son époux, il était toujours là, dans une de ces innombrables lettres que Louis recevait tous les jours. Le pire, dans tout cela, avait sans doute été l'interdit que le pape avait jeté sur le royaume de France à cause de toutes ces mauvaises actions. Aliénor désespérait. Et ce n'était pas la seule raison.

Quelques mois plus tôt, en ce début de 1145, un enfant était enfin né dans le couple royal, après huit ans de mariage. Hélas, au grand désespoir de Louis, il s'était s'agit d'une fille. Il l'avait à peine regardée, pire, il en avait encore blâmée Aliénor, Aliénor qui n'en avait eut cure. Sa fille, nommée Marie, après la mère de Jésus dans l'espoir de calmer les foudres du seigneur, était tout pour elle. D'ailleurs, toute la cour encensait ces magnifiques yeux bleus qu'avait la petite princesse, et tout à chacun pensait qu'elle les tenait de sa mère. Pourtant, Aliénor, elle, savait qu'il n'en était rien. Il suffisait d'ailleurs de bien regarder les yeux de Marie, puis ceux de Bernart, pour savoir de qui exactement elle les tenait. Leur enfant, l'enfant d'un amour qui n'aurait jamais dut avoir lieu et qui pourtant était leur plus grande joie à tous les deux. Bien que le jeune homme ne soit pas censé être aussi souvent avec la royale enfant, le jeune père de 20 ans ne pouvait que s'émerveiller devant sa fille, et Aliénor s'en réjouissait. Puisque de toute manière Louis se moquait de cette enfant qui n'éatit pas le fils qu'il attendait...

Marie était d'ailleurs dans les bras de sa mère, qui venait de faire ses relevailles, devant une immense foule, à Bourges, en ce jour de Noël 1145. Louis avait décidé qu'il devait se montrer, avec sa femme et leur enfant, en ce jour d'espoir interdit de fêter à cause de l'anathème, pour redonner espoir et courage au peuple de France. Aliénor, parée de ses plus beaux atours, et qui avait déjà retrouvé sa ligne après sa grossesse, regardait son époux de temps à autre, alors qu'il discourait, mais était plus préoccupée par Marie qui risquait de prendre froid dans cet immense espace mal chauffé. Pourtant, une partie du discours du roi lui fit soudainement relever la tête :

-... et c'est pourquoi, pour demander pardon à Dieu de toutes ces mauvaises actions, j'ai entendu l'appelle de Bernard de Clairvaux. La reine Aliénor et moi irons jusqu'en Terre Sainte, pour prouver au Seigneur que nous n'avons pas cessé de le prier, et peut être nous accordera-t-il son pardon.

Des « vivas » éclatèrent soudain, alors qu'Aliénor, atterrée, regardait Louis qui évitait superbement son regard. Piégée. Finalement, son époux se tourna vers elle, et lui prit la main pour l'aider à se lever et saluer la foule, un peu brutalement :

-Souriez, madame ! Dieu vous regarde.

Alors Aliénor sourit, et salua du mieux qu'elle pouvait, tout en se promettant que Louis ne l'emporterait pas au paradis.



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Aliénor d'Aquitaine

Aliénor d'Aquitaine

Aujourd'hui, je suis reine autrefois j'étais libre

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MessageSujet: Re: « On a dit que la beauté est une promesse de bonheur... Quel mensonge! » ▬ Aliénor   « On a dit que la beauté est une promesse de bonheur... Quel mensonge! » ▬ Aliénor EmptySam 15 Déc - 21:21

Aliénor d'Aquitaine  a  dit:
La Reine Croisée


-Ce voyage m'a épuisée ! S'exclama Aliénor, en se laissant tomber sur le lit à baldaquin.

Enfin ! Enfin ils étaient arrivés à Byzance dans cet endroit civilisé, avec de véritables bâtiments, du confort, des vêtements corrects, et tout ce qui lui manquait tant depuis des mois. Et le basileus semblait être un homme charmant. Manuel Comène. Dès le premier regard, Aliénor s'était doutée qu'il s'agissait d'un homme à qui il ne fallait pas en conter, sur de lui. On le disait aussi excellent amant, mais malgré le manque de contact charnel de ces derniers mois, elle n'avait pas la moindre envie d'en faire son amant. Un seul comptait, qui n'était pas son époux. Elle n'avait pas pu voir Bernart autant qu'en France, tout simplement parce qu'un village de tente est bien moins discret que les épais murs d'un château, et que pour « assurer sa protection », Louis avait tenu à ce que la jeune femme dorme avec lui presque toutes les nuits. Surtout depuis qu'une rumeur de viol sur certaines dames courrait l'armée française. A vrai dire, cela n'étonnait personne. Quelle idée la reine avait-elle eut de venir, et pire, d'emmener toute sa suite à peu de choses prêt ? On la blâmait, mais ce n'était pas vraiment elle qui avait eut l'idée de venir. Deux ans après l'annonce de Louis de prendre la croix avec son épouse, il avait enfin mit son projet à exécution. Le temps, avait-il dit, de régler les problèmes du royaume, de s'assurer que tout se passerait bien, et d'entraîner son armée. Aliénor, dans le but de le dissuader de la forcer à le suivre, avait fait des caprices, exigeant qu'un certain nombre de dames l'accompagne, nombre qui augmentait de jour en jour, puis les troubadours, les jongleurs, un peu de tout... Mais rien n'y avait fait, Louis était resté sur ses positions. Aliénor viendrait que cela lui plaise ou non. La jeune femme avait bien fini par le comprendre. Alors ces deux années, elle aussi les avait préparées. Elle avait chargé Geoffroy de Rancon, un de ses fidèles, de lui apprendre à se servir d'une épée, à elle, mais aussi à ses dames. Il faudrait pouvoir se défendre, une fois en pays infidèle. Ces deux ans étaient passés bien plus vite que la jeune femme ne l'aurait cru. Deux années qu'elle avait aussi passées à regarder sa fille grandir. Sa petite Marie... Comment grandirait-elle sans sa mère ? Aliénor avait d'ailleurs vu rouge, quand Louis avait parlé de faire revenir sa mère à la cour. Déjà qu'il avait décidé de nommer Suger régent pendant leur absence. Il en était hors de question. Contre toute attente, et malgré l'interdit que son mariage avait causé, Aliénor avait rappelé sa sœur pour que celle-ci s'occupa de sa fille pendant la durée de la Croisade. Tout plutôt que la laisser à Adèle de Savoie !

Et enfin, on était parti. Très vite, tous avaient pu se rendre compte que cette croisade, qui avait fait vibrer l'Europe, était pourtant très mal organisée. Conrad III, empereur germanique, qui avait lui aussi décidé de se croiser, était parti quelques semaines plus tôt, et son armée avait réquisitionner tous les vivres sur son passage, ne laissant que des miettes aux paysans, que l'armée française était presque obligée de piller. Et le voyage était lent, grandement ralentit par la suite de la reine que les chevaliers français blâmaient, au grand courroux des aquitains, qui ne supportaient pas qu'on touche à leur duchesse. Pour passer le temps et apaiser les conflits qui étaient de plus en plus courants, ils avaient dû organiser quelques tournois de courtoisie, permettant aux deux factions de s'opposer de manière un peu plus chevaleresque que certaines bagarres au poing qu'il avait déjà fallut arrêter. Heureusement, Aliénor avait elle aussi des manières de distraire les dames. En femme d'esprit, elle avait entreprit d'organiser des jeux de patiences, comme des jeux d'éloquences, où il fallait faire des Alexandrins. Les troubadours y excellaient, mais certaines de ses dames n'y étaient pas mauvaises non plus, à commencer par Naëlle d'Astarac, sa grande amie de toujours qui ne la quittait jamais, depuis leur adolescence. Naëlle avait d'ailleurs beaucoup de courage, car elle avait supporté tous les méandres de la vie de la duchesse. Celle-ci la protégeait de son mari, un odieux personnage qu'aucune des deux ne pouvait supporter. Heureusement, il avait pour lui d'être fidèle à Aliénor. Mais à la grande surprise de la jeune femme, Naëlle avait décidé d'inviter, à l'une de ces après-midi, un personnage pour le moins inattendu, la jeune femme s'en rappelait parfaitement. Le jeune Henri de Champagne. Cela l'avait mise un peu mal à l'aise. Elle se méfiait de celui qui n'était presque plus un adolescent, mais pas encore totalement un homme. Après tout, il était le neveux de la femme qu'Aliénor avait fait écarter au profit de sa sœur. La guerre qui s'en était résulté avait causée bien des soucis, dont l'envie de Louis de se croiser. Alors, comment pouvoir voir son arrivée d'un bon œil ? La reine avait prit sur elle, ne pouvant hélas faire autrement, et avait laissé le jeune homme faire ses preuves sur un tout autre terrain que la lice. Après tous, les chevaliers-toubadours étaient bien la preuve qu'on pouvait être brave et éloquents sans que l'un manque à l'autre. Et elle avait été agréablement surprise. Il était très doué. Dire qu'elle l'appréciait aurait été un grand mot, non, bien au contraire, elle ne cesserait de se défier de lui et de ceux de sa famille, mais elle reconnaissait son talent, et son intelligence, ce qui le rendait deux fois plus dangereux.

Dans sa jolie robe couchée de soleil, à la mode orientale, Aliénor se redressa, et, ses longs cheveux blonds laissés libre sur ses épaules, elle s'installa à sa coiffeuse. Après tout, en ce jour, le jeune homme en question devait être armé chevalier, devant l'empereur et le roi de France. La reine se devait d'y être, bien qu'elle ait la tête à d'autres envies. Bernart ne pourrait la rejoindre ce soir, pas parce que Louis avait l'intention de dormir en sa couche, quoi que, peut être, mais simplement parce que la première nuit serait bien trop évidente, et risquée, pour son amant. Elle soupira en admirant son reflet, alors que Naëlle, la fidèle Naëlle, entreprit de lui brosser les cheveux :

-Que penses-tu des chevaliers byzantins ? Ne sont-ils pas envoûtant ? Demanda la reine, reprenant ce tutoiement familier de quand elles étaient seules.

Naëlle éclata de rire.

-Oh si, mais prenez garde, ma reine, à ne pas vous noyer dans leurs yeux. Ou pire, dans ceux du Basileus !

Aliénor rit à son tour. Non, elle n'était pas si sotte. Un page se fit annoncer, portant un message du roi. La jeune femme le prit et défit le cachet. Louis lui annonçait que leur prochaine étape serait Antioche. Antioche ! Rien que le nom provoqua un bond dans le cœur de la jeune femme. Raymond... Il avait sûrement offert de leur faire accueil quelques temps. Aliénor eut du mal à contenir sa joie. Agée de vingt cinq ans, elle se demandait si elle était toujours aussi belle que lorsqu'elle en avait quatorze. La reconnaîtrait-il ? Et elle, le reconnaîtrait-elle ? Perdue dans ses pensées, replongée dans ses quatorze ans, elle laissa Naëlle lui brosser les cheveux sans rien dire. Le passé avait parfois bon goût.


L'armée française avait quitté Constantinople quelques semaines plus tôt, revigorée et reposée par cet arrêt en ce pays enchanteur. Pourtant, malgré les bontés du basileus, il avait laissé une étrange impression sur l'élite française, et surtout le couple royal. Il était bien trop proche des infidèles pour être totalement de confiance. La fois chrétienne ne pouvait même plus le lier avec certitude à la papauté catholique. Pourtant, Aliénor ne pensait plus à grand chose d'autre qu'à l'arrivée à Antioche. Si elle avait pus, elle aurait même fait accélérer le convoi, ou serait partie la première, avec une petite escorte, mais en tant que reine, elle ne pouvait hélas pas se le permettre. Elle attendait avec impatience les rapports de chaque éclaireur. D'autant plus qu'elle se sentait horriblement seule depuis que Louis avait laissé quelques uns des plus fameux troubadours à la cour du basileus, quelques jours, avec pour instruction de les rejoindre à Antioche. Bien évidemment, Bernart en avait fait parti. A croire que Louis faisait tout pour la contrarier, même s'il semblait totalement absorbé par la présence de son nouvel ami, ce croisé norvégien qui les avait rejoint à Constantinople.

-Eh bien ma mie, vous semblez vraiment impatiente à l'idée d'arriver, finit par remarquer le roi.

-Je n'ai pas vu mon oncle depuis onze ans, messire, alors je crois qu'on peut dire que oui...

Ils avaient établit leur campement pour la nuit, il ne restait que deux ou trois jours de marche, quand un cors, qui n'était pas un cors français, sonna sur l'une des collines venant de l'est . Enveloppé par le crépuscule et la montée de la lune, il avait l'air angoissant. Immédiatement, ce fut l'effervescence dans le camp. Les sarrasins ? Une attaque ? Mais il n'en état rien. Une petite troupe d'une dizaine de cavalier s'avança vers le camps français, portant la bannière d'Antioche.

-Place, place pour le Prince Raymond ! Criait le héros d'arme qui avançait en tête au petit trot.

Raymond, Aliénor avait bien entendu ? Aux côtés de Louis, elle attendait, un rien angoissé. L'un des chevaliers, le plus imposant par son armure éclatante, retira son heaume et sourit à l'entour.

-Eh bien ma nièce, vous ne pensiez tout de même pas que j'allais vous attendre éternellement ?

-Raymond ! S'écria la jeune femme.

Oubliant les usages, et jusqu'au regard de son mari, qui semblait à la fois étonnée et peut être même courroucé, elle se jeta dans ses bras.

-Tu es encore plus belle que tous les souvenirs que j'aurais pus avoir de toi, ma douce, lui murmura-t-il à l'oreille.

Aliénor se contenta de sourire. Elle n'était plus l'enfant de jadis qui rougissait pour un oui ou pour un non. Mais il fallait bien avouer que le compliment lui allait droit au cœur, et que son oncle n'était pas en reste. La trentaine magnifique, il avait toujours ce même regard pétillant, même si quelques ridules commençaient à se creuser autour de ses yeux. La peau un peu tannée par le soleil d'orient ne faisait que ressortir encore plus la couleur de ses yeux, aussi clairs qu'auparavant. Mais n'oubliant pas les usages, le prince d'Antioche finit par se détacher de sa nièce pour aller saluer son neveux par alliance. Mieux valait ne pas se mettre à dos ce puissant allié potentiel.


-Ton mari est un imbécile, marmonna Raymond en servant deux coupes de vin, avant d'en tendre une à Aliénor, assise sur un fauteuil en face de lui.

Ils étaient seuls. Depuis deux jours qu'ils étaient arrivés, Raymond avait passé son temps à supplier Louis d'ouvrir les yeux sur le basileus, et sur ses intentions, ainsi sur ce qui était probablement arrivé à l'armée de Conrad III dont on n'avait plus de nouvelles depuis des jours. Ici, en orient, tout n'était qu'apparence, encore plus qu'en France. Raymond se battait contre Manuel Comène depuis des mois. Le basileus cherchait à agrandir son influence sur l'orient, à commencer par Antioche. Même entre chrétiens, ici, où la foi les avait portés, il y avait des guerres d'influence, alors que seul le combat pour le Christ aurait dut les unir, même s'ils étaient orthodoxes et catholiques. Raymond avait supplié Louis de lui prêter main forte contre les impudences de Manuel Comène, mais rien à faire, le roi de France campait sur ses positions. L'alliance du basileus avec les turcs d'Alep, vrais ennemis de Raymond, n'était pas prouvée, et Louis refusait de mettre en doute la parole d'un aussi grand seigneur que Manuel Comène. De toute façon, selon son époux, leur objectif était Jerusalem, ni plus ni moins, ils n'avaient pas le temps de s'attarder, ayant déjà beaucoup de retard sur l'armée germanique. Aliénor soupira en prenant la coupe de vin.

-Louis est comme il est, je n'ai hélas plus aucune influence sur lui si j'en ai jamais eus. Ce mariage était une énorme erreur...

Raymond eut un rictus.

-J'ai pourtant entendu dire que pour toi, le Roi Moine avait déclenché un anathème sur la France.

Aliénor baissa les yeux. Bien sûr, elle se savait la première responsable de ce désastre. Mais elle n'était plus l'enfant inconsciente de jadis, et la femme qu'elle était devenu ne faisait que regretter ses actions. Ici, elle se sentait horriblement faible. Et son troubadour qui ne revenait pas...

-Si tu savais comme je le regrette. Rie n'est aussi simple qu'il y paraissait.

Raymond s'accroupit en face d'elle et écarta une mèche de cheveux qui barrait son front.

-L'enfant que j'ai connu est devenue une femme sage. Mais tu as encore des progrès à faire, ma reine. Comment va ta fille ?

La veille, une lettre était arrivée de France. La petit Marie se portait comme un charme, et Aliénor regrettait amèrement de ne pas pouvoir la voir grandir. Cette croisade était une véritable malédiction.

-Elle va bien. Mais elle me manque...

-Elle n'est pas de Louis, n'est ce pas ?

Aliénor, interdite, regarda son oncle. De surprise, elle avait manqué de faire tomber sa coupe encore à moitié pleine sur le sol. La surprise lui avait coupé la parole, mais son regard hurlait la question « comment le savait-il ? »

-Je te connais, Aliénor. Tu as beau avoir une dizaine d'année en plus, tu restes la même dans le fond. Et votre couple est bien trop mal assorti. Enfin, il faut que j'avoue que je prêchais le faux pour savoir le vrai.

La reine baissa la tête. Tant d'erreurs. Tant de choses qu'elle aurait voulues effacer. Et pourtant, elle savait bien que si on revenait en arrière, elle referait exactement les mêmes erreurs. Elle se leva, et reposa la coupe qu'elle avait à peine touchée sur le plateau en argent. Il était temps qu'elle se retir. Pourtant, sa main frôla celle de son oncle, doucement, et il murmura :

-Reste encore... Tu te souviens de cette dernière année, à Bordeaux ? Tu ne me laissais pas en paix, où que j'aille, tu me poursuivais et tu finissais toujours par avoir ce que tu voulais. Même le jour de ton anniversaire...

Au lieu de baisser la tête, elle affronta son regard cette fois, comme un défi. La main de Raymond s'égara sur sa taille, et il rapprocha le corps de la jeune femme du sien. Son intention était limpide. Aliénor tenta malgré tout de protester, pensant à Bernart, à son devoir de reine, et même à Louis.

-Je t'en pris, Raymond, mon mari, nos gens...

Mais sa protestation se noya dans un baiser, et elle décida de s'abandonner.


Il faisait nuit noir et dans sa chambre d'Antioche, Aliénor dormait profondément. Aussi n'entendit-elle pas immédiatement la porte s'ouvrir, et les cliquetis d'armure qui l'accompagnait. Naëlle d'Astarac se précipita, et fut attrapée par une poigne ferme à son passage :

-Réveillez la reine, en silence ! Nous partons.

Naëlle n'eut hélas pas d'autre choix que de réveiller son amie, qui avait fini par ouvrir les yeux d'elle-même avec les bruits alentours.

-Mais enfin que se passe-t-il ? J'exige de le savoir, c'est un ordre !

-Nous n'obéissons qu'au roi, ma dame, répondit le chevalier, dédaigneux.

Dans l'obscurité, il lui sembla qu'il s'agissait de Guillaume de Nevers, mais elle n'en était pas sûre. Contrainte et forcée, elle enfila une robe et une cape de voyage.

-Puis-je au moins saluer mon oncle, avant d'être emmenée comme une captive ?

-Je regrette, mais ce n'est pas prévu.

Aliénor, choquée par tant de mauvaises manières, suivie néanmoins les chevaliers jusqu'à une poterne plus discrète que celle de la porte principale du palais d'Antioche. Là, Louis l'attendait, monté sur son cheval, tenant le sien par la bride.

-Enfin Louis que signifie ? Vous rendez-vous compte de ce que vous faites ?

-Taisez-vous, cracha le roi, glacial. Je n'accepterai plus aucun commentaire de votre part Aliénor, suis-je bien clair ?

Pour la première fois depuis leur mariage, Aliénor eut peur de son époux. Lui qu'elle arrivait toujours à manœuvrer de manière à ce qu'il fasse ce qu'elle attendait, quoi que beaucoup moins ces derniers temps, semblait particulièrement froid. Savait-il ? Avait-il comprit qu'elle avait passé bien plus de temps avec Raymond qu'elle ne l'aurait dut ? Elle ne posa pas la question, et il ne lui donna pas la réponse. Elle se contenta d'accuser le coup, ne voulant pas risquer un esclandre. Peut être aurait-elle dut faire autrement ? Elle jeta pourtant un dernier regard sur Antioche, se doutant qu'elle n'y reviendrait jamais.


Eté 1149, en Calabre.

-Loué soit Dieu, vous êtes sauve, s'écria Louis qui était venu accueillir son épouse à la descente de la nef.

-Ce n'est pas grâce à vous, rétorqua froidement son épouse. Elle savait bien que les sentiments de Louis ne reflétaient pas ses véritables pensées.

Après le départ précipité d'Antioche, les choses étaient allées de mal en pis. Les seigneurs Aquitains, qui auraient voulu rester aider Raymond, avaient été rabroué par le roi, qui s'était affirmé, et avait décidé de continuer sa route. Dans leur précipitation à rejoindre l'armée de Conrad III, qui avait été totalement décimée, mais ce dont ils n'étaient pas encore au courant, Louis avait fait passer l'armée par le défilé de Pisidie, proche du Mont Cadmos. C'était là que les choses s'étaient aggravées. Attaqués par les sarrasins, Geoffroy de Rancon, un des liges d'Aliénor, avait trouvé intelligent d'outre passer les ordres du roi sous prétexte qu'il n'avait rien à apprendre d'un moine capricieux. Ca avait été un véritable désastre. Une fois l'attaque refoulée, Louis avait fait une scène à Aliénor, l'accusant de trahison à son encontre, et d'avoir monté ses vassaux contre lui. Aliénor à son habitude s'était emportée, et la totalité de l'armée survivante avait put entendre la querelle des époux royaux. Depuis, ils ne se parlaient presque plus, et faisaient tente à part. Et tout avait empiré avec le déroulement de la croisade. Peu de temps après, des éclaireurs avaient trouvé les restes de l'armée de Conrad III, totalement décimée. On ne savait d'ailleurs ce qu'il était advenu de l'empereur romain germanique. L'armée, épuisée, avait finit par renoncer. Mais le pire de tout, avait été sans nul doute la mort de son oncle, survenue un mois plus tôt. Cela, Aliénor ne pourra jamais le pardonner à Louis, elle en était certaine. S'ils avaient pris Alep comme il l'avait suggéré, il serait sûrement encore en vie. Même la bataille navale où elle avait faillit être faite prisonnière quelques jours plus tôt n'était pas égale à cela. Si Louis n'avait jamais cru en la vilenie de Manuel Comène lors de leur voyage d'aller, peut être maintenant qu'elle avait faillit être emprisonnée par lui, et qui sait, peut être même vendue pour le harem d'un quelconque seigneur musulman, allait-il enfin le croire ! Elle ne devait qu'aux chevaliers de Roger II de Sicile d'être encore en vie, et libre. Aussi l'accueil que lui fit Louis eut un retour particulièrement glacial.

-Ne m'adressez plus la parole, mais je ne crois pas que cela vous posera grand problème, siffla-t-elle entre ses dents avant de prendre le bras qu'il lui proposait.

Bien que toute l'armée sache pertinemment que le roi et la reine ne se supportaient plus, sans doute fallait-il tenir encore les apparences, quelque temps au moins.

La Calabre fut enfin propice à quelques repos, mais Aliénor n'avait qu'une envie, rentrer en France et au plus tôt. Pourtant, la dissension entre le roi et la reine ne plaisait hélas pas à la chrétienté. Ils s'arrêtèrent à l'abbaye du Mont-Cassin, où le pape les attendait. Aux yeux d'Eugène III, ce mariage ne pouvait ni être brisé, ni être aussi divisé. Aliénor n'avait pas du tout envie de s'y arrêter, mais Louis y tenait, si cela suffisait à faire lever leur excommunication qu'il ne supportait sans doute plus.

-Mes enfants, je sais que le Seigneur vous a envoyé bien des épreuves... Mais il vous faut les surmonter. Vous le devez, au nom de la couronne que vous portez. On ne naît pas roi ou reine pour vivre à sa fantaisie. Vous êtes tous deux parmi les plus privilégiés des privilégiés, il vous faut faire des concessions...

Le discours papal avait donné lieu à un vif débat entre Louis et Aliénor, où ils s'étaient exprimés pour la première fois à cœur ouvert depuis longtemps. Hélas, cela ne sembla pas suffire, car si tous deux, ou du moins Aliénor, en sorti apaisée, elle n'avait pas plus envie de pardonner à Louis pour le moment qu'elle ne l'avait fait auparavant. Ce fut un autre événement qui réussit à les rapprocher de nouveau. Alors qu'ils s'apprêtaient à quitter l'Italie, une lettre lui parvint, de la part de Suger. Au début elle crut à une erreur de destinataire, l'homme de Saint-Denis n'écrivait-il pas qu'au roi ? Pourtant, c'était bien son nom qui était écrit sur le papier. Aussi la parcourut-elle sans grande joie.

Votre Majesté,

Je sais que nos rapports n'ont pas toujours été des plus cordiaux, pourtant, je me permets en tant que conseiller de vos Altesses, de vous écrire cette lettre. Je conviens que vous puissiez souffrir du comportement du roi, songez que lui en souffre aussi. Louis regrette bien plus que vous ne pouvez l'imaginer son comportement durant la croisade, et je pense qu'il en est de même pour vous. Je vous connais, ma reine, vous n'êtes pas du genre à admettre vos faiblesses, et pourtant, vous êtes une grande dame. Le roi et vous avez été unis par Dieu, devant lui. Considérez les arguments du pape et les regrets du roi, car, comme les vôtres que je devine, je les crois sincères. Votre intelligence et votre magnanimité l'emportent sur votre tendance à la réactivité. Pardonnez au roi, et pardonnez-vous. La France a encore besoin de vous.

Abbé Suger de Saint Denis


-Quel impudent, murmura Aliénor en froissant la lettre de son grand rival politique.

Et pourtant, les paroles du grand homme faisaient effet sur la reine. Sans doute était-il temps de faire table rase du passer. Peut être pourrait-elle réussir à pardonner Louis... Mais à oublier, ça, jamais.



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MessageSujet: Re: « On a dit que la beauté est une promesse de bonheur... Quel mensonge! » ▬ Aliénor   « On a dit que la beauté est une promesse de bonheur... Quel mensonge! » ▬ Aliénor EmptyLun 17 Déc - 21:52

Aliénor d'Aquitaine  a  dit:
La Reine Libérée


Quoi qu'il en soit, sans doute l'aide à la réconciliation du pape et de Suger fit quelque effet, car, quand le couple royal regagna Paris, il ne se passa pas beaucoup de temps avant que la reine annonce une nouvelle grossesse. La nouvelle fit rapidement le tour de la cour, et encore plus vite des deux domaines des époux royaux. Et cette fois, Aliénor en était sure, l'enfant était bel et bien de Louis. Et pour cause. Depuis le retour de la croisade, Bernart l'évitait. Le jeune homme avait changé. De rieur, tendre, attentionné, il était devenu froid, distant, isolé. Et hélas, Aliénor ne pouvait pas vraiment s'en inquiéter de manière discrète. Son ventre s'arrondissait lentement mais sûrement, et elle marchait à côté d'Hugues de Lusignan, parlant des choses à faire au niveau intendance et que la Croisade avait laissé à désirer. Comme Aliénor s'y attendait, l'administration française de ses terres d'Aquitaine avait fait plus de mal que de bien. La discussion commençait d'ailleurs à devenir légèrement virulente, quand l'écuyer de Lusignan vint le chercher pour des affaires à régler nécessitant sa présence immédiate. Dès qu'il eut prit congé de la reine, il tourna les talons. Aliénor poussa un soupir de soulagement et continua à avancer dans les couloirs sombres du palais de l'Ile de la Citée, saluant rapidement ceux qu'elle rencontrait. Un peu plus loin dans le couloir, une porte s'ouvrit, sur Bernart qui, l'apercevant, voulu essayer de s'échapper. Mais cette fois-ci, l'orgueil de la reine, si ce n'était son cœur blessé, ne le laissa pas faire :

-Messire de Ventadour !

Il y avait assez de monde dans la galerie pour qu'il ne puisse pas se dérober sans que cela passe pour un affront. Il fut donc contrait d'attendre sa souveraine qui le rattrapa sans difficulté, et prit son bras d'autorité. Assez fort pour que cela soit entendu de tous, mais assez bas pour que cela passe pour une conversation normale, elle continua d'avancer en posant une question banale :

-Dites-moi, de quoi traitera votre prochaine œuvre ? Il me tarde de l'entendre, nous avons vraiment besoin de nous divertir...

La discussion continua, aussi banale que possible, jusqu'à ce qu'enfin, les deux amants réussissent à se retrouver seuls dans l'une des salles inoccupées du palais. Immédiatement, Bernart se dégagea, ce qui blessa la reine qui n'en montra pourtant rien.

-Bernart... commença-t-elle d'une voix qui se voulait assurer .

-Ne dis rien ! La coupa-t-il froidement. Je sais déjà de quoi tu veux que nous parlions.

Aliénor le dévisagea sans comprendre. Le jeune homme leva son regard fatigué vers son amante, s'attardant sur le ventre qui grossissait. Aliénor en profita pour l'observer avec attention. Il avait maigri, comme beaucoup de ceux qui étaient revenus de la croisade, mais malgré les couleurs que la Terre Sainte avait laissé sur sa peau, il était pâle, les traits tirés, et ses cernes étaient assez prononcées. Elle aurait voulu le prendre dans ses bras, mais il était évident qu'il n'en avait pas la moindre envie aussi resta-t-elle en retrait.

-Alors il est le père ?

Aliénor se contenta de hocher la tête lentement.

-Tu en es sûre ? Le roi, ou l'un de tes innombrables amants ?

Aliénor en eut le souffle coupé. Il... il était jaloux ? Vraiment ? Avant qu'elle ait eut le temps de répondre, il reprit :

-Si tu crois que parce que je n'étais pas là, je ne sais pas ce qui s'est passé à Antioche, tu te trompes ! Et contrairement à certains qui pensent que tu es peut être innocente, je te connais Aliénor bien mieux que quiconque ici sans doute. Alors excuse-moi de douter de ta sincérité.

Il n'en fallut pas plus à la reine pour s'emporter.

-Si tu ne me crois pas, je jure sur la tête de notre fille que l'enfant que j'attends est bien de Louis. Et je crois avoir assez conscience de ce que Dieu peut faire après ce désastre militaire pour pouvoir l'assurer en toute connaissance de cause !

Bernart garda le silence un instant, avant de détourner le regard. Il sembla absent un instant, ce qui poussa Aliénor à faire un pas dans sa direction, mais il reprit :

-Tous ces morts, et pour quoi ? Combien d'hommes, même parmi mes proches amis et les tiens y ont laissé la vie ? Jaufré est mort là bas !

Jaufré Rudel, comte de Blaye... Aliénor l'appréciait énormément. Il faisait parti des meilleurs troubadours de sa cour, meilleur que Bernart lui-même. Il s'était éteint en Terre Sainte, dans les bras de la princesse de Tripoli. Elle ne sut quoi répondre.

-Je t'aime Aliénor, mais je ne peux plus, pas pour le moment.

Et sans une explication de plus, il quitta la pièce, laissant la souveraine seule. Aliénor eut un mal fou à retenir ses larmes de couleur une nouvelle fois. Elle était bien loin la promesse qu'elle s'était faite étant enfant.


Aliénor froissa la lettre qu'elle tenait dans sa main et la jeta au sol, en proie à un début de colère qui n'annonçait rien de bon.

-Ma... ma reine, osa timidement Elvire, sa femme de chambre, en ramassant le bout de papier et le reposant sur son bureau.

La jeune fille était entrée à son service quelques temps plus tôt, juste avant la naissance d'Alix, elle était enjouée, travailleuse et plutôt douée. Aliénor l'aimait beaucoup. Mais aujourd'hui, la reine n'était pas de la meilleure humeur qui soit. Elle était d'ailleurs de plus en plus hors d'elle. Tout allait de mal en pis. Le couple royal qui s'était un moment rapproché, était de nouveau totalement opposé, pour la simple et bonne raison que l'enfant qui avait vu le jour était une fille, encore une fois. Louis en avait blâmé son épouse, qui lui avait rétorqué que le seul à blâmer c'était sans doute lui pour les péchés dont il avait été responsable durant la croisade. Le couple royal, à nouveau, se battait froid de la pire manière qui soit, s'adressant à peine la parole. Elle n'avait d'ailleurs pas la moindre envie de lui parler encore. Et Louis se vengeait sur l'Aquitaine, augmentant certaines taxes sous des motifs douteux. Elle ne le supportait pas ! Et comme si elle n'avait pas assez de problèmes comme ça, il fallait qu'on lui annonce que Châteauroux menaçait d'échapper à son contrôle. Son seigneur, mort à la croisade, avait laissé une épouse et un enfant, ou deux on ne savait, et Aliénor s'en moquait. Toujours était-il que la mort du seigneur et le retour en France n'avait pas laissé le temps à l'enfant héritier de lui prêter allégeance en tant que suzeraine comme il se le devait, et sa mère prenait cela comme excuse pour se prétendre indépendante. Comme si la reine n'avait que ça à faire.

-Elvire, trouve-moi Hugues de Lusignan, au plus vite ! J'ai à lui parler.

La jeune fille salua et s'exécuta immédiatement. Aliénor ne laisserait pas cela passer.


Cela faisait plusieurs semaines qu'elle y pensait. Il était sans doute temps de le mettre à exécution. Elle ne pouvait de toute façon plus attendre désormais. Il n'y aurait jamais de bon moment à une telle discussion. Pourtant la situation était invivable, et cela ne pouvait plus durer. Aussi Aliénor s'avança avec résolution vers les appartements de Louis, où elle entra sans se faire annoncer. Après tout, elle était encore la reine de France, même si après cette discussion, cela ne serait plus pour longtemps. Nous étions en 1150.

-Louis, je dois vous parler.

Le roi, assis à son bureau, lui jeta un regard curieux, sans rien ajouter. Elle prit le temps de s'asseoir sur un autre fauteuil avant d'exposer le sujet de sa visite.

-Nous ne nous supportons plus... C'est un fait. D'ailleurs, nous sommes-nous jamais réellement entendus ? Si cela ne nous causait préjudice qu'à nous, ce serait un détail, mais cela met en danger votre royaume et mon duché. Tous les jours, nos vassaux menacent de se dresser les uns contre les autres, et de mettre à feu et à sang le territoire sur lequel nous régnons. Notre orgueil en vaux-t-il la peine ?

Elle fit une pause, essayant de chercher un effet de ses paroles sur cet homme que, finalement, elle connaissait bien mal. Peut être que si elle n'avait pas été cette adolescente trop orgueilleuse, il en aurait été autrement, mais les faits étaient là. Il était trop tard désormais pour essayer de faire marche arrière. Ils s'étaient fait trop de mal. Elle pouvait accepter d'être la plus blâmée des deux, mais elle n'était sûrement pas la seule responsable.

-La France a besoin d'un héritier... Et il est clair que vu comme nous allons, cela ne risque pas d'arriver. Marie ne pourra être reine de France, pas plus que je n'ai pus être la duchesse régnante en Aquitaine. Il nous faut dissoudre ce mariage, pour le bien de tous.

Quoi qu'on en pense, ces paroles lui avaient énormément coûté. Elle savait que déjà, l'anathème les avait profondément marqué tous les deux, mais qu'en serait-il de la dissolution d'un mariage ? Le divorce était bien entendu totalement interdit. Et Louis ne manqua pas de soulever ce point problématique.

-Certes, et comment ?

Aliénor sorti de sa poche le document plié qu'elle contenait, et le mit sous le nez du roi.

-D'après ce document, nous sommes cousins au quatrième et au cinquième degré canonique.

En effet, l’arrière-grand-mère d’Aliénor, Audéarde de Bourgogne, était la petite-fille de Robert le Pieux, arrière-grand-père de Louis VI. Du point de vue de l'Eglise, ce mariage n'aurait même jamais dus avoir lieu. Et vu la piété de son époux, l'argument ne pouvait qu'être de poids. Elle allait bientôt être libre à nouveau.


1151. Bien que le mariage soit en cours de dissolution, le pape faisant bien des difficultés, le couple royal devait se forcer à toujours se comporter comme un couple uni envers et contre tout. Aussi Aliénor organisait-elle avec le plus grand soin la visite du duc de Normandie et de son père le comte d'Anjou. Ils étaient censés venir prêter serment à Louis pour le duché, et au vu de la puissance du vassal, la réception se devait d'être grandiose. Aliénor ne laissait aucun détail au hasard et était revenu exprès de Poitiers pour l'occasion. Mais ce n'était pas la seule raison. On disait le jeune Henri plutôt bel homme, et la rumeur voulait qu'il ait déjà un ou deux bâtards. Un personnage haut en couleur qu'Aliénor avait hâte de rencontrer. Qui sait ce que la suite pourrait donner. Mais une chose était certaine, fidèle à son serment, elle ferait toujours passer l'Aquitaine en premier.



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Aliénor d'Aquitaine  a  dit:
Et voilà THE END... pour l'instant devil
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